On s’agite beaucoup autour de la déclaration faite par Nadine Morano, samedi 25 septembre dernier, dans l’émission « On n’est pas couché » : « La France est un pays judéo-chrétien... de race blanche ! » Ce mot de « race » était fréquemment utilisé à la fin du 19e siècle, avec prétention scientifique, en réalité pour justifier et excuser le colonialisme. Que le général de Gaulle l’ait prononcé, comme le prétend l’intéressée, ne serait pas étonnant. Il faisait partie du vocabulaire courant de l’époque, et n’importe qui pouvait l’employer sans être forcément raciste.
Mais les mots changent de sens selon les époques, et aujourd’hui plus personne, sauf précisément les racistes, n’emploie celui-là, dont les sciences ont démontré la vanité. Les hommes ont quitté l’Afrique il y a 70 000 ans, et donc ils étaient à l’origine tous noirs. Dans leur migration vers le nord, la raréfaction du soleil et de la vitamine D, ainsi que le phénomène du rachitisme, ont altéré la pigmentation de leur peau. Schopenhauer avait raison, lorsqu’il affirmait plaisamment que l’homme blanc était un noir décoloré !
La nature ensuite a tout brassé, et la sélection a fait son œuvre. Mais le racisme cherche l’homogénéité ethnique totale, et refuse ce métissage généralisé qui est bien la règle dans toutes les communautés.
De toute façon, l’humain ne peut pas se définir et se fonder sur les considérations génétiques et biologiques. L’exigence morale et le droit ont ici la première place. Ainsi la citoyenneté chez nous relève-t-elle non d’un fait naturel, mais d’un pacte : elle dépend d’une volonté de vivre ensemble, de cohabiter, donc du droit du sol (jus soli), en opposition au droit du sang (jus sanguinis). C’est ce désir de vie commune qui est l’essentiel. Qui refuserait le titre de français à Alexandre Dumas, à Félix Éboué, ou encore à Yannick Noah ?
Ce mot de « race » s’emploie, chez les racistes, pour condamner en réalité des habitus culturels qu’ils n’approuvent pas, et à l’écart desquels ils veulent se tenir. Mais il en est un autre, celui-là fort et essentiel, que notre oratrice a oublié, lorsqu’elle a parlé à propos de la France de « pays judéo-chrétien » : c’est celui de laïcité.
***
Retrouvez tous mes articles de Golias Hebdo, publiés en plusieurs volumes, sous le titre Des mots pour le dire, chez BoD. Sur le site de cet éditeur, on peut en lire un extrait, les acheter... Cliquer : ici.
Notez qu'ils sont aussi tous commandables en librairie, et sur les sites de vente en ligne (Amazon, Fnac, etc.).
commenter cet article …