On sait qu’il était la bête noire de Jean-Paul II, si l’on se réfère par exemple à son encyclique Veritatis Splendor de 1993. Mais cette condamnation vient d’être reprise par le pape émérite Benoît XVI, qui vient de publier dans la revue chrétienne allemande Klerusblatt un texte consacré à la crise des violences sexuelles sur mineurs dans l’Église, texte qui constitue un gigantesque retour en arrière par rapport à la réflexion qui vient de s’initier sous le pape François (Source : LeMonde.fr, 11/04/2019).
Il affirme que la raison de la pédophilie est « l’absence de Dieu ». Car « un monde sans Dieu ne peut être qu’un monde dépourvu de sens » et donc « sans notion de bien et de mal ». Autrement dit, en-dehors de la référence à Dieu, aucune morale n’est possible. Les athées apprécieront...
Cette vision théocratique et exclusiviste amène Benoît XVI à récuser toute réforme de l’Église. Cette dernière n’est pas seulement une communauté de croyants, mais a une présence transcendante : « Une Église faite par nous ne peut représenter aucune espérance... Aujourd’hui aussi, il y a l’Église sainte qui est indestructible. » Il reprend donc le dogme de l’« Église sainte », un article de foi figurant à la fin du Credo.
Mais c’est sur cette affirmation, cette présomption de « sainteté » a priori que repose tout le Pouvoir clérical. J’ai souligné que la longue impunité des prêtres pervers est venue souvent de la projection aveuglée et crédule que leurs victimes ont faite sur eux, en causant leur sidération : elles ne pensaient pas que ce qu’elles subissaient était possible de la part d’un homme de Dieu. La seule solution, à mon avis, est la désacralisation de sa personne, comme Luther l’a voulue (voir mon billet Sacralité, Golias Hebdo, n° 567). Et j’ai appelé de mes vœux une nouvelle Réforme, qui d’ailleurs ne saurait être la dernière. Comme disent les Protestants, l’Église réformée doit être toujours à réformer (Ecclesia reformata semper reformanda).
Le pape François a bien raison de critiquer ce que précisément son prédécesseur ici défend : le cléricalisme. Sans doute en tant que jésuite est-il habitué en morale à la casuistique, qui implique non pas bien sûr un nihilisme, mais un certain relativisme. Benoît XVI au contraire est psychorigide, et ce n’est pas pour rien que son dernier texte a tant d’échos dans les milieux catholiques conservateurs.

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