En cette période de vacances et d'amours estivales, je reproduis ce billet ancien paru dans Golias Hebdo :
Ce mot aujourd’hui est en crise. D’abord dans son sens social et politique, sartrien si l’on veut. Suite au déclin des grandes idéologies fédératrices des groupes humains, les individus atomisés sont maintenant plus des surfeurs ou des consommateurs de biens matériels, que des militants. Mais je voudrais ici plutôt parler de l’engagement sentimental ou amoureux, qui lui aussi me semble faire défaut à nos contemporains.
Autrefois, quand existait majoritairement l’engagement du mariage, on y regardait à deux fois avant de tromper son compagnon ou sa compagne. Au-dessus de l’individu se dressait tout l’arsenal des lois contraignantes, et le Code civil en a retenu plus d’un sinon de tenter l’adultère, au moins d’engager une séparation.
Mais maintenant les fameuses chaînes conjugales étant en voie de disparition, chacun est libre de tenter ce qu’il veut. Aussi voit-on fleurir sur Internet ou ailleurs les fameux sites de rencontre s’avouant cyniquement éphémères, du type : « Pour passer une nuit torride » !
Mais même sans aller jusque là, les relations qui se nouent entre les êtres sont d’une extrême fragilité, et peuvent être rompues inopinément et unilatéralement par pur caprice. On s’éprend, on se méprend, on se reprend. On s’enlace, puis on s’en lasse… L’amour fait passer le temps, le temps fait passer l’amour.
... Tout cela serait bel et bon, si certains êtres particulièrement sensibles n’en faisaient les frais. Que tel geste, telle parole d’intérêt ait pu à tel moment leur ouvrir le ciel, et que cela leur soit ensuite d’un seul coup enlevé sans rémission, comment y survivre ? Quoi de plus tragique qu’un téléphone qui ne sonne plus ? Et quelle irresponsabilité de celui qui s’en va ! Proust a bien raison, quand il dit que la pire forme de la cruauté est l’indifférence aux souffrances que l’on cause.
S’engager en amour me semble donc de plus en plus rare. Amours de vacances, amours d’été, est-ce que cela suffit aux épris d’absolu, ou au moins à ceux qui ne se contentent pas comme dit Chamfort de « l’échange de deux fantaisies et du contact de deux épidermes » ? Ici c’est à Rousseau que je donne raison : « Les sensations sont ce que le cœur les fait être. » Aujourd’hui les sensations se multiplient, mais le cœur, au grand dam de certains du moins, est souvent singulièrement absent.
1e septembre 2011
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