Elle est en soi une bonne chose, mais poussée trop loin elle devient problématique. Ainsi le groupe L’Oréal a décidé de retirer certains mots comme « Blanc », « Blanchissant », « Éclaircissant » de tous ses emballages de produits cosmétiques, dans un contexte mondial de manifestations anti-racistes consécutives à la mort récente de George Floyd, un Afro-Américain asphyxié par un policier blanc à Minneapolis (Source : fr24news.com, 28/06/2020).
En fait une recherche sur Internet m’a convaincu que ce sont bien les noms des produits, et non pas ces derniers eux-mêmes, qui vont être supprimés. On aurait pu penser que si des produits blanchissant la peau s’avéraient dangereux pour elle, il était normal de les supprimer. Mais non, on se contente ici de supprimer leur nom, et on garde le produit, avec évidemment le profit qu’il procure.
Or on ne change pas les choses en changeant ou en supprimant leur nom. Ces pudeurs effarouchées ont une grande part de ridicule. Ainsi le mot « nègre », l’expression « tête de nègre » désignaient jadis une couleur, et « parler petit nègre » un certain type d’élocution. On n’y voyait pas malice, et aussi on avait pour soi toute la littérature. Ainsi Montesquieu dans L’Esprit des lois parle de « l’esclavage des nègres » pour critiquer l’esclavage ; Voltaire dans Candide parle du « Nègre de Surinam » pour le faire prendre en compassion ; Rimbaud dans Une saison en Enfer s’écrie : « Je suis nègre ! » pour en revendiquer la condition ; et plus près de nous Jean Genet, non suspect pourtant de racisme, écrit Les Nègres.
On objectera que cette aseptisation systématique du langage à laquelle on assiste aujourd’hui obéit peut-être à une bonne intention. Mais on sait que l’Enfer en est pavé, et de telles mesures peuvent produire des effets pervers insoupçonnés. Ainsi la communication de L’Oréal proscrivant le mot « Blanc » de ses emballages a produit une levée de boucliers et été jugée « racialiste » sur les réseaux sociaux, dans beaucoup de milieux de droite et d’extrême-droite (Source : Journal de 19 H, France Inter, 28/06/2020).
Ainsi par un effet boomerang la mesure s’est retournée contre son promoteur. Posant problème, elle a connu son châtiment. Angélique ou hypocrite, il aurait mieux valu ne pas la prendre, pour éviter ce déchaînement. En général et de toute façon tout le monde sait que la pire corruption est celle du meilleur – Corruptio optimi pessima.

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Bernie 05/07/2020 18:38
www.michel-theron.fr 06/07/2020 11:52