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1 avril 2023 6 01 /04 /avril /2023 01:00

On l’associe souvent, pour la critiquer, à stéréotypie, machinalité, action-réflexe. Et on peut alors lui opposer la réflexion, seule à même d’offrir une porte de sortie dans une situation difficile à vivre. C’est à quoi j’ai pensé en voyant, le mardi 28 mars au soir, sur Arte, l’émission Les Camps, secret du pouvoir chinois. On y rappelait que le père de Xi Jinping avait été lui-même une victime des purges de Mao. On aurait pu penser alors que le fils aurait dû se dire : « Plus jamais ça ! » Et qu’il aurait adopté, une fois arrivé au pouvoir, une politique au rebours de celle qui avait causé la disgrâce de son père.

 

Mais non : il n’a fait qu’amplifier le régime dictatorial de Mao, en reprenant les camps initiés par ce dernier, et en y ajoutant la surveillance électronique de tous les citoyens, qui fait de son pays une gigantesque prison. En somme, il a choisi de faire perdurer en l'aggravant le régime même qui aurait dû au contraire le faire s’interroger, vu le mal qui lui en était advenu.

 

Comment cela s’explique-t-il ? Réflexe instinctif de revanche ? Aveuglement sur la chose même ? Perversion ? En tout cas, le mal pourra toujours exister, si aucune réflexion n’est là pour le mettre en question. Pareillement, on sait que beaucoup de victimes de maltraitance parentale deviennent à leur tour des parents maltraitants. Comme si ce qu’ils ont connu leur apparaissait tout à fait normal, et leur donnait caution pour le reproduire. Le mal, disait justement Hannah Arendt, est absence de pensée.

 

Il est difficile de comprendre la non-violence chrétienne (ne pas résister au méchant, tendre l’autre joue !) si on n’y voit pas symboliquement un désir de faire réfléchir l’agresseur, qui s’attend de toute façon à une riposte instinctive à ce qui vient d’être subi. Le but est la déstabilisation, la porte laissée ouverte à un scénario autre que celui qui est attendu. La réflexion peut alors remplacer le réflexe. Et l’on sort alors du cercle infernal de la répétition du Même.

 

Calliclès dans le Gorgias de Platon n’en sort pas. À Socrate qui vient de lui dire qu’il vaut mieux subir l’injustice que la commettre, il répond : « Un homme comme toi, on peut le souffleter impunément. » Son horizon n’a pas été élargi, il en est resté à l’élémentaire de la riposte, qui alimente sans fin la violence immémoriale. Comme sans doute le premier dirigeant chinois – et comme bien d’autres encor...

 

D.R.

 

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31 mars 2023 5 31 /03 /mars /2023 11:37

Une photo et un haïku pour saluer la venue du printemps :

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30 mars 2023 4 30 /03 /mars /2023 01:00

Elle se répand en cette période de manifestations, aussi bien dans les réseaux sociaux que dans la rue. Certains ont réclamé la guillotine contre le Président. D’autres ont mis une effigie à son image sur une voie ferrée, de façon qu’un train l’écrase, etc.

 

Vu sa violence irrépressible, il semble qu’elle prenne en premier lieu possession d’un être tout entier, avant même de se porter sur tel ou tel, qui n’est que le prétexte à son déchaînement. On peut en dire ce que Sénèque dit de la colère, dans le De ira : « Ira furor brevisLa colère est une brève folie » Sans doute aussi la haine est-elle attisée par l’entraînement propre à la foule, et le relatif anonymat que cette dernière procure.

 

Comme le dit l’adage anglais : « Hate is not an opinionLa haine n’est pas une opinion. » Tout simplement parce qu’elle est irrationnelle. Il faut s’en méfier quand elle emporte toute mesure. Il en est une certaine sorte qui nous met au-dessous de ce que nous haïssons, et cela, si fondés que puissent être nos griefs au départ.

 

Dans le cas précis, il s’agit sûrement de l’obsession, très fréquente dans toutes les révolutions, d’une égalité portée à son point extrême, analysée par Montesquieu dans L’Esprit des lois comme pathologie majeure de toute démocratie : l’esprit d’égalité devient égalitarisme, et comme le brigand Procuste avec son fameux lit, on veut tout soumettre à la même toise, et pour cela araser tout ce qui dépasse, couper des têtes, y compris physiquement. Dostoïevski a décrit ce comportement dans Les Possédés, évoquant la venue des « terribles niveleurs », avec le personnage de Chigaliov.

 

Tocqueville aussi, dans De la démocratie en Amérique, a souligné un paradoxe : la haine que les hommes portent aux privilèges est plus forte quand les inégalités diminuent. Quand elles sont nombreuses, on les remarque moins. Mais celles qui restent choquent davantage. Et c’est bien le cas dans la société actuelle.

 

L’invidia democratica, l’envie ou la haine démocratique constitue un bel exemple de ressentiment, au sens où le prend Nietzsche dans La Généalogie de la morale. Voyez comment Flaubert, dans L’Éducation sentimentale, décrit l’invasion des Tuileries par la foule lors de la Révolution de 1848 : « Des galériens enfoncèrent leurs bras dans la couche des princesses, et se roulaient dessus, faute de ne pouvoir les violer. » Certes si la révolte peut être sainte, l’envie est hideuse.

 

D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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