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27 mai 2022 5 27 /05 /mai /2022 01:00

O

n la croyait morte, mais on a tort. J’ai regardé à la télévision quelques moments des récents Jeux Olympiques, et j’ai vu que le nombre est grand des athlètes qui se signent avant l’épreuve, ou bien prient et remercient le ciel, s’ils l’ont emporté.

 

Dès l’Antiquité d’ailleurs on pensait que les vainqueurs l’étaient avec l’aide de Dieu, Deo juvante.

 

Ce réflexe archaïque et invétéré maintient les hommes dans l’enfance, oscillant entre peur et espoir devant une Puissance extérieure dont il faut éviter l’hostilité ou s’attirer la faveur, par des processus magiques et propitiatoires. Et il me semble bien insolite, et en tout cas dérisoire, de voir des adultes, souvent des colosses physiquement, se comporter comme des bébés démunis.

 

La théologie qui sous-tend pareille attitude est celle de la rétribution, selon laquelle ce qui nous arrive est voulu par la Puissance susdite. Échoue-t-on dans ce qu’on entreprend, c’est signe de sa colère, et le malheur qui nous frappe, de notre démérite. Voyez l’expression courante : « Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour mériter cela ? ».

 

Inversement, réussit-on, c’est signe de notre élection, via une grâce qui nous a été gratuitement octroyée. Où est la responsabilité personnelle dans ce qui n’est au fond qu’une injustice dont on bénéficie ?

 

Finalement, absolution totale est donnée au vainqueur, et oubli est fait des mérites possibles du vaincu. C’est le règne du fait accompli, comme dans les ordalies ou dans les duels judiciaires médiévaux.

 

On sait que l’idéologie du capitalisme états-unien, basée sur l’idée de grâce toute-puissante qui sous-tend un certain protestantisme, glorifie le gagnant, supposé avoir Dieu avec lui, et n’a pas égard au perdant, censé avoir démérité aux yeux de ce même Dieu. Cette vision est appelée aussi parfois « théologie du succès ».

 

Quand les hommes grandiront-ils, et cesseront-ils d’avoir peur de leur ombre, de poser hors d’eux une Puissance qui en réalité est en eux-mêmes ? La religion-superstition est celle qui les y relie et soumet (religare). Quand consentira-t-on simplement à se relire (relegere), et à la trouver au fond de soi ?[1]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 15 septembre 2016

 

[1] Sur la différence entre la religion qui lie et celle qui permet de se découvrir, on peut voir mes deux ouvrages La Source intérieure et Peur de son ombre – La Lumière est en nous, BoD, 2017.

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

 

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26 mai 2022 4 26 /05 /mai /2022 11:45

Voici, mis sur mon blog artistique, un extrait de mon dernier livre Petites méditations photographiques :

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25 mai 2022 3 25 /05 /mai /2022 01:00

P

lus de 40.000 jeunes venus du monde entier se sont jeté, le mercredi 29 août dernier, quelque 120 tonnes de tomates à la figure dans une atmosphère de fête survoltée, pour la traditionnelle Tomatina, dans la petite ville espagnole de Buñol, près de Valence. Des milliers de jeunes ont vu leurs t-shirts se souiller, en se teintant progressivement de rouge (Source : AFP, 29/08/2012).

 

Certes je pourrais voir là un trait de bêtise, pensant à tous les autres défis et concours humains qui ne brillent pas par leur intelligence. [v. Divertissement]

 

Mais je préfère réfléchir sur cet événement, et voir en lui un intéressant symbole.

 

En effet, il n’est pas bon que l’homme soit toujours « propre sur soi », dans tous les sens de l’ex­pression. On sait déjà que les enfants aiment maculer leurs vêtements. Cette provocation montre un sens profond, même ignoré d’eux : trop se contrôler nuit, et le savoir-vivre empêche de vivre.

 

Les anciens Borborites, hérétiques chrétiens,  se barbouillaient le visage de boue, pour montrer sa différence avec la figure que devait avoir l’homme idéal, créé, lui, à l’image de Dieu. Rien de plus pieux que cette souillure. Peut-être le tagueur aujourd’hui atteste-t-il par son geste rageur et vengeur la grandeur de cette beauté qu’il détruit par son barbouillage : peut-être la sent-il trop lointaine par rapport à ce qu’est sa vie ? Et ce sont bien des taches aussi qui souvent servent à « customiser » nos vêtements, carrosseries de voitures, intérieurs et même visages. Le tatouage de la peau, si en vogue aujourd’hui, peut avoir quelque rapport avec le même principe.

 

En fait, l’homme est mêlé, de ciel et d’enfer, d’étoiles et de fange. Et il faut du pire pour du meilleur. « La fleur de lotus, dit-on en Orient, pousse sur de la boue. » Négliger cette dernière est occulter une part de soi.

 

Alors peut s’installer une névrose, faite de la séparation radicale des deux moitiés de l’homme, la dionysiaque et l’apol­linienne, et de l’étouf­fe­ment ordinaire de la première par la seconde. Jung a bien analysé cette problématique dans sa Dialectique du moi et de l’inconscient.

 

Innombrables sont les exemples de défoulement, ou plutôt de catharsis, de cet ordre. Ainsi à Ivrea, près de Turin, se déroule tous les ans, lors du Carnaval, une gigantesque bataille d’oranges. À Cournonterral, dans l’Hérault, la bataille qui oppose les Pailhasses aux « Blancs » chaque mercredi des Cendres se fait avec de la lie de vin : scène impressionnante, utilisée par Agnès Varda à la fin de son film Sans toit ni loi.

 

Vive donc le Carnaval, temps de défoulement bien nécessaire au Carême qui le suit, car on n’y néglige pas cette part d’ombre qui aussi nous constitue !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 13 septembre 2012

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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