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26 juin 2022 7 26 /06 /juin /2022 01:00

La Cour suprême états-unienne vient de donner aux états la possibilité de revenir sur le droit à l’avortement. À cette occasion l’ancien président Trump a dit que « c’était la volonté de Dieu » (Source : Ladepeche.fr., 25/06/2022).

 

Je ne sais s’il le pense vraiment, ou si cette parole n’a pas d’autre but que de galvaniser ses partisans, de les souder autour de lui en vue par exemple d’une prochaine candidature qu’il pourrait présenter à la prochaine élection présidentielle. Auquel cas il y aurait là une manœuvre politique, et la « volonté de Dieu » serait en la matière instrumentalisée par calcul.

 

Mais cette instrumentalisation est aussi générale dans la majorité des esprits croyants. Au lieu de parler modestement de Dieu comme d’une simple limite mise à nos possibilités de compréhension, on s’avise de vouloir savoir ce qu’il fait, ce qu’il pense, ce qu’il veut, etc. On le fait servir à nos moindres caprices, et on projette sur lui ce que l’on sent en soi. Voltaire déjà remarquait que si Dieu a fait l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu. De façon tout à fait anthropomorphique il s’en fait une idée selon ce qu’il en imagine, et il le fait parler comme lui le veut.

 

Cela sert évidemment les prêtres, pasteurs, rabbins, imams, ministres des cultes divers, etc., tous les directeurs du troupeau fidèle. Quel ascendant ont-ils sur les âmes, qu’ils dirigent de cette façon ! Là le ressort de cette posture n’est bien souvent que le désir humain de pouvoir.

 

Mais aussi je dirais la même chose, bien qu’ils soient souvent innocents de ce désir, des théologiens. Ils s’arrogent le droit de discourir sur Dieu, comme s’il s’agissait d’un être sondable ! Tout ce qu’on peut dire de lui est par nature condamné à être pure fiction. La théologie, disait fort justement Borges, est « une branche de la littérature fantastique ».

 

La seule théologie pertinente, à mon sens, est au rebours de ce que dit son nom (discours sur Dieu) la théologie apophatique, ou négative : de Dieu on ne peut dire que ce qu’il n’est pas. Et de lui on ne sait rien, puisqu’il est précisément la limite métaphorique de tout langage et de toute pensée. Évidemment la seule option alors est le silence. Comme dit Lao-Tseu à propos du Tao : « Celui qui parle, ne sait pas. Celui qui sait, ne parle pas. »

 

Que de bavards donc, qui prennent Dieu comme prétexte, pour en réalité l’instrumentaliser, et se dire eux-mêmes !

 

D.R.

 

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24 juin 2022 5 24 /06 /juin /2022 01:00

C

e mot est ordinairement connoté négativement, et personne ne voudrait avouer s’en rendre coupable. Pourtant la perception inverse vient de se produire.

 

En effet, Hasbro, le fabriquant du jeu mythique Monopoly, vient de commercialiser, pour répondre selon lui à la demande de nombreux joueurs, un « Monopoly des tricheurs ». Cette version ajoute 15 cartes représentant les arnaques les plus communes tentées par les participants : sauter une case, changer un hôtel de place ou voler quelques billets... Si la supercherie n’est pas révélée avant la fin d’un tour, le tricheur gagne un hôtel ou de l’argent. Mais tout de même, s’il est pris la main dans le sac, il va directement en prison (Source : AFP, 03/02/2018).

 

Assurément la possibilité de tricher va donner du piment au jeu : le cœur bat davantage quand on prend des risques et quand on s’aventure hors des clous. Qui ne l’a pas essayé déjà, dans un jeu quelconque ? C’est de tout temps, comme il se voit par exemple dans le tableau de Georges de La Tour Le Tricheur à l’as de carreau.

 

Mais le problème est d’insérer cette possibilité dans un jeu qui déjà incarne le capitalisme le plus impitoyable et dépourvu de sens moral, où tout est fait pour favoriser gain et profit.

 

Son principe, immuable depuis sa création en 1935, est de devenir le plus riche possible en achetant des terrains pour y construire des hôtels rapportant des loyers. Le jeu était interdit dans l’ex-URSS, précisément car incarnant le capitalisme le plus sauvage et le plus débridé.

 

L’idéologie en était et demeure une version du darwinisme social : dans la lutte pour la vie, seul survit le plus adapté, ou le plus malin et le plus écraseur des autres, et pour le reste « Malheur aux vaincus ! ». Toujours le « maillon faible » doit sortir.

 

Finalement le jeu initial ignorait évidemment toute éthique, et la nouvelle version pour tricheurs ne fait que pousser à son point normal d’aboutissement sa philosophie première. Il semble même qu’elle colle de plus en plus à l’actualité, les tricheurs étant aujourd’hui de plus en plus nombreux.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 15 février 2018

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
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DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

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22 juin 2022 3 22 /06 /juin /2022 01:00

O

n peut réfléchir sur cette notion à partir de la mésaventure de Benjamin Griveaux, qui vient de renoncer à sa candidature à la mairie de Paris à cause d’une vidéo à contenu sexuel le concernant et publiée sur Internet.

 

Évidemment il y a dans cette affaire une influence des mœurs qui nous viennent des États-Unis d’Amérique. On y exige d’un candidat à une fonction publique qu’il soit exemplaire aussi dans sa vie privée : si par exemple il a trompé sa femme, on pense qu’il trompera aussi le peuple.

 

Cette ambition d’une totale transparence, qui mêle allègrement public et privé, a été bien résumée par Éric Schmidt, ancien patron de Google : « Si vous voulez qu’une chose ne se sache pas, peut-être serait il mieux de commencer par ne pas la faire. » La perspective qui s’ouvre alors est totalement terrifiante. On est proche de 1984 d’Orwell : Big Brother is watching you (Le Grand Frère vous regarde). Comme lui, les internautes vous regardent et épient vos moindres faits et gestes.

 

Notre ex-candidat aurait pu contre-attaquer, dire par exemple qu’il n’a rien fait de répréhensible. L’adultère chez nous n’est plus une faute pénale depuis la loi du 11 juillet 1975. Quant au « péché d’Onan », élément supplémentaire ici de l’incrimination, il n’est vu à l’origine que comme un gaspillage de semence refusant la procréation et l’injonction du lévirat, rien de plus (Genèse 38/9). Pensons par exemple à Diogène, qui sans pudeur aucune s’y livrait en public pour provoquer ses contemporains et critiquer leurs préjugés.

 

En vérité, l’ex-candidat a succombé à cause évidemment d’un complot politique, mais aussi sous les coups d’un ordre moral toujours présent dans les esprits, déjà caractérisé par Nietzsche sous le nom de moraline, et défendant des positions non pas laïques mais religieuses.

 

La condamnation de l’adultère fait bien partie des Dix Commandements bibliques, et l’onanis­me est devenu effectivement chez nous un péché, traqué en tant que tel dans les confessionnaux. On voit bien les effets catastrophiques de sa condamnation dans le film Le Ruban blanc, de Michael Haneke.

 

Au fond, l’ex-candidat peut être critiqué, non pas pour adultère ou offense aux bonnes mœurs, mais pour avoir eu la sottise d’envoyer la vidéo en question. Tout ce qu’on poste de cette façon demeure indéfiniment, peut être récupéré, et sur Internet il n’y a pas de droit à l’oubli. On peut y traîner des casseroles pendant des lustres.

 

Prenons garde enfin que si curée, hallali, lynchage continuent de se déchaîner sur les réseaux sociaux, et la haine de s’y déverser sans une once de réflexion, cela peut faire le lit d’une dictature populiste. Elle peut être installée au pouvoir, volontairement ou involontairement, par une foule sans discernement.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 27 février 2021

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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