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12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 02:00

Notre président a dit que face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie l’Occident ne devait pas faire preuve de lâcheté. Je pense qu’il a raison face à la situation actuelle. La lâcheté serait le pire des comportements.

 

Elle est pire même, disait Péguy, que la méchanceté effectivement agissante. Car celui qui fait a au moins le courage de faire, tandis que celui qui laisse faire, à son refus d’agir ajoute la poltronnerie. Le silence des pantoufles est pire que le bruit des bottes. Ne pas intervenir quand survient une agression est s’en rendre complice. Et complice, concluait Péguy, c’est pire qu’auteur, infiniment pire.

 

On nous dit que dans un monde désormais multipolaire il n’y a pas lieu de défendre un Occident qui s’est discrédité dans le passé par la colonisation, et en voulant imposer ses valeurs et son modèle à l’ensemble de la planète. C’est un fait que l’Occident porte ici le poids de sa culpabilité, qui peut toujours le pousser à ne pas intervenir dans les conflits extérieurs : ainsi fit le président états-unien Obama en 2013 en Syrie, sans penser que sa décision de non-intervention pouvait pousser le président russe à en profiter pour envahir et annexer la Crimée un an plus tard.

 

Pourquoi cependant se fustiger continuellement ? L’Occident ne croit-il plus aux valeurs qui lui appartiennent en propre ? Est-il si lâche et veule dans sa recherche du confort à tout prix qu’il s’en trouve « zombifié », face aux fanatismes et aux terrorismes de tous bords qui spéculent sur sa faiblesse pour s’en prendre à lui ?

 

Qu’il n’y ait plus aujourd’hui possibilité d’un impérialisme occidental, soit ! L’Histoire a changé, et il faut tourner la page. Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Il suffit de jeter un œil sur l’état du monde pour se convaincre que les anciens Empires veulent trouver à nouveau leur place : le russe en Russie, le chinois en Chine, l’ottoman en Turquie, le perse en Iran... Ils reposent sur la mise au pas des populations et l’extinction de leurs libertés, ainsi que sur un nationalisme agressif et xénophobe. En regard de cela, que peut apporter l’Occident ? Simplement, mais essentiellement, les valeurs d’universalité, du droit égal pour chacun à exister. Les communautarismes qui prolifèrent aujourd’hui, avec leurs réflexes d’exclusion de l’autre, justifient qu’on ne veuille pas se passer d’elles – en renonçant à les défendre par lâcheté.

 

D.R.

 

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10 mars 2024 7 10 /03 /mars /2024 02:00

On peut très bien savoir une chose, et ne pas y croire. Ainsi on peut savoir qu’on mourra un jour, et si l’on est en bonne santé, ne pas y croire. C’est ce qui arrive aujourd’hui à propos du réchauffement climatique.

 

À part quelques complotistes qui sont persuadés qu’il s’agit d’une infox au service d’on ne sait quelle machination nationale ou mondiale, la plupart des gens sont maintenant au courant de ce fait avéré par énormément de publications scientifiques. Et pourtant leur comportement montre qu’ils n’y croient pas.

 

En cela on voit la faillite des morales intellectualistes, du type « Il suffit de bien juger pour bien faire ». Car bien juger est une chose, et bien faire en est une autre, très différente. Ces morales sont incarnées par Socrate chez Platon (« Nul n’est méchant volontairement »), et par Jésus en christianisme (« Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font »). C’est une erreur, car on peut très bien savoir ce que l’on fait, et le faire quand même.

 

Normalement, les ressources de la planète étant finies, on ne peut espérer en son exploitation infinie. La seule option minimale valable est la sobriété dans les comportements de chacun, et la décroissance en économie. Cela il est facile de le savoir. Mais on fait le contraire. On parle de « développement durable », de « croissance verte », de « progrès soutenable ». Mais ce n’est pas en verdissant les anciens comportements (green-washing) qu’on répondra efficacement aux défis qui nous attendent.

 

Un seul exemple, parmi des milliers : on veut pour des raisons écologiques développer l’automobile électrique, et l’on a raison en partie. Mais pourquoi encore construire avec cette technologie de grosses voitures, type SUV (Sans Utilité Véritable), alors qu’il en faudrait des petites ? La rémanence des anciens comportements est évidente, et cette inertie mène à des catastrophes.

 

On ne s’en rend pas compte peut-être, comme dans la parabole de la grenouille que l’on échaude par paliers progressifs et qui donc ne s’en aperçoit pas, alors que plongée d'un seul coup dans l’eau bouillante elle périrait immédiatement.

 

Encore que cet apologue n’est peut-être pas approprié, car la catastrophe peut arriver d’un seul coup, comme le disent les annonciateurs de l’effondrement général, les collapsologues. Les hommes continueront-ils alors leur aveuglement, comme d’orchestre du Titanic jouant sur le pont, en plein naufrage ?

 

D.R.

 

 

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8 mars 2024 5 08 /03 /mars /2024 02:00

D

ans le passage d’une langue à l’autre, elle est d’une extrême importance, et il faut être très méticuleux là-dessus.

 

Ainsi il m’est venu la curiosité de relire la liturgie de l’Offertoire dans la messe catholique, aussi bien dans le texte latin originel que dans la traduction française que l’on en fait maintenant. Voici une des formules latines : « Hanc ígitur oblatiónem… quaesumus, Dómine, ut placátus accípias… » Et voici la traduction que j’en ai lue : « Cette offrande… nous te supplions donc, Seigneur, de l’accepter avec bienveillance… »

 

Le latiniste en moi a été immédiatement surpris. Manifestement le texte latin supplie Dieu de recevoir l’offrande en étant par elle « apaisé » (placatus). Voyez le mot français implacable, qui provient de ce placare latin, apaiser. Cela n’est pas manifestement cet « accepter avec bienveillance » qu’on nous propose, et qui est un adoucissement, une euphémisation de la formule latine. A-t-on confondu placare, apaiser, avec placere, plaire ? J’en doute, car les hommes d’Église sont traditionnellement de bons latinistes. Non, la raison du faux-sens est ailleurs.

 

On voit bien en effet dans quelle intention cette mitigation a été faite. Car si Dieu doit être « apaisé », c’est évidemment qu’il est en colère. Et se profile ici une image assurément peu flatteuse d’un Dieu courroucé, qu’il faudrait apaiser par le sacrifice d’une victime (en latin hostia, d’où notre « hostie »). Ce Dieu colérique, sadique et pervers, figure dans maints textes littéraires de révolte, dont « Le Reniement de saint Pierre » de Baudelaire. Mais aussi dans le cantique Minuit Chrétiens !, où il est dit que le Sauveur est venu sur la terre pour « de son père arrêter le courroux ». [v. Rédemption]

 

Voyez aussi comment on traduit la Première lettre de Jean, où l’on se gargarise ordinairement du fameux « Dieu est amour » (4/8), que l’on claironne à qui mieux mieux, en oubliant totalement ce qui suit : « Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. » (4/10)

 

Ce « sacrifice de pardon » ne choque pas apparemment. Mais le texte grec parle de « victime expiatoire » ou « propitiatoire » (hilasmos), mots qui évidemment choquent. – D’ailleurs, au fond, « pardon » ici ne convient pas, car si Dieu a été payé par le sacrifice du Fils, il n’a pas pardonné. Pardonner implique qu’on efface une dette, non qu’on la recouvre. Socin et les Sociniens ont bien insisté là-dessus.

 

Quel besoin a-t-on de garder des textes qui renvoient à la plus barbare et archaïque vision de la Divinité ? On essaie manifestement aujour­d’hui d’en fausser le sens. Mais le recours au voile langagier ici est menteur. Le voile ment.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 13 février 2020

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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