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30 juillet 2023 7 30 /07 /juillet /2023 01:00

C

omme beaucoup, j’ai assisté en cette fin d’année à un concert de Noël. J’ai été frappé par l’énorme décalage entre la beauté des musiques et les paroles de certains chants, qui me semblent aujourd’hui inadmissibles. Il faut donc bien distinguer, comme on dit, l’air de la chanson.

 

Ainsi j’ai entendu le Minuit chrétiens !, cette « Marseillaise du croyant ». L’air est entraînant au possible, mais les paroles ? Il est question de la descente sur terre du Messie, « pour de son Père apaiser le courroux ».

 

Cette théologie, qui a effectivement marqué les siècles, relève du plus archaïque des réflexes, celui d’un Dieu en colère qu’il faut apaiser par un sacrifice rédempteur.

 

En outre, l’idée a alimenté un fondamental antijudaïsme chrétien, ce dieu colérique étant celui de ce qu’on appelait naguère l’Ancien Testament, le dieu des juifs, comme on me l’a enseigné au catéchisme.

 

On me dit que ce chant a maintenant été supprimé de la liturgie. Mais il perdure dans les concerts, où il fonctionne parfaitement. Sans doute se nourrit-il de la nostalgie d’un autrefois, où l’on ne faisait pas beaucoup crédit à la réflexion, et où l’on n’était pas très regardant à l’égard des paroles.

 

J’ai entendu aussi le Panis angeligus, où sur fond de l’admirable musique de César Franck le croyant est invité à voir dans l’eucharistie la « fin donnée aux symboles » (figuris terminum), et à « manger son Seigneur ».

 

Cette affirmation dogmatique de la transsubstantiation, qui date du concile de Trente, clôt tout le « figurisme » que l’Église avait pourtant jusque là pratiqué sans vergogne vis-à-vis de son héritage juif, en y voyant systématiquement une préfiguration de ses propres constructions.

 

En outre, en affirmant la réalité littérale de l’ingestion du corps du Seigneur, ce chant justifie le surnom de théophages, mangeurs de Dieu, dont les protestants avaient affublé les catholiques.

 

J’ai bien vu que personne dans l’assistance ne s’arrêtait à ces considérations (au reste, il eût fallu pour cela connaître le latin) : on s’occupait seulement de savoir si le ténor allait se tirer d’une partition bien difficile.

 

... Mais je suis sorti avec en moi plus de mansuétude. Qui reproche encore à la Marseillaise son côté sanguinaire et raciste (le « sang impur ») ? Mes réflexions m’avaient éloigné de l’essentiel : le frisson musical, massage plutôt que message, qui emporte toute raison.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 7 janvier 2016

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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29 juillet 2023 6 29 /07 /juillet /2023 13:35

Est bon un sentiment qui nous unifie, et mauvais un sentiment qui nous divise (texte inspiré de Matthieu 5/37) :

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28 juillet 2023 5 28 /07 /juillet /2023 01:00

I

l existe de temps immémorial dans toutes les sociétés structurées par des croyances religieuses.

 

Sa fonction est souvent mémorielle, et peut-être est-il nécessaire à l’homme d’avoir une occasion de rappeler à son esprit, à l’occasion de cérémonies rituelles bien déterminées, des évé­nements passés pour éviter qu’ils ne sombrent dans l’oubli. Ainsi en monde chrétien le souvenir de la dernière Cène, instituant l’eucharistie, a cette fonction d’anamnèse (ce mot est celui prononcé par Jésus) : Luc 22/19 ; 1 Cor 11/24-25.

 

Mot prononcé par Jésus, vraiment ? Ou bien ces paroles ne lui ont-elles pas été prêtées, pour précisément instituer ce sacrement essentiel ? Sont-elles compatibles avec une phrase fondamen­talement anti-cultuelle comme : « Laisse les morts enterrer leurs morts et toi, va annoncer le royaume de Dieu. » (Luc 9/60 ; cf. Mt 8/22)

 

L’enseignement de Jésus vise à désaliéner l’homme de tout ce qui le retient en arrière, dont le culte, et l’empêche de regarder en avant, de s’ouvrir au nouveau. Mais le clergé, gardien du culte, ne se laisse pas vaincre. Comme disait Loisy : « Jésus annonçait le Royaume, et c’est l’Église qui est venue. » L’acharnement du clergé à maintenir le culte s’explique aisément : l’enjeu est celui de son pouvoir sur les fidèles, qu’il importe de subjuguer par tout un théâtre cérémoniel, incluant souvent des opérations thaumaturgiques.

 

C’est frappant pour le catholicisme par exemple : à la messe, la liturgie « ouvrante » de la Parole est moins importante que celle, régressive à côté, de l’eucharistie. « Régressive », parce qu’on invite le croyant à baisser la tête devant le résultat d’une opération magique opérée par le célébrant : la transsubstantiation du pain et du vin. En monde protestant au contraire la prédication ou méditation sur un enseignement tient, heureusement à mon avis, une place plus importante.

 

Lors du confinement imposé par la crise sanitaire, le sacramentel s’est donné en spectacle virtuel, via le numérique. On a filmé des messes, qu’on a même postées sur Facebook. Ce théâtre clérical a assigné aux fidèles un rôle passif, non-participatif. Au lieu de leur montrer une voie de vie conforme à l’enseignement du Maître, il les a maintenus dans une perpétuelle enfance en les étourdissant de belles cérémonies.

 

Voyez alors ce que Spinoza dit dans son Traité théologico-politique (1665) : « Tel fut donc le but des cérémonies du culte : faire que les hommes n’agissent jamais suivant leur propre décret, mais toujours sur le commandement d’autrui, et reconnussent dans toutes leurs actions et dans toutes leurs méditations qu’ils ne s’appartenaient en rien mais étaient entièrement soumis à une règle posée par autrui. Il résulte de tout cela plus clair que le jour que les cérémonies du culte ne contribuent en rien à la félicité. »

 

Article paru dans Golias Hebdo, 23 juillet 2020

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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