Le droit pour chacun à sa réputation est reconnu par la justice occidentale. Celui qui y porte atteinte peut être incriminé pour diffamation. Mais avec Internet, les conséquences en sont parfois tragiques. Ainsi on a appris dernièrement qu’une adolescente de 15 ans s’est défenestrée à Stains, en Seine-Saint-Denis. Elle n’aurait pas supporté la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo où elle apparaissait en tenue sexy et provocante. Jérôme Bouteiller, auteur de Bienvenue sur Facebook (éditions Albin Michel), a analysé ce cas sur BFMTV : « On se prend en photo de manière un peu intime parfois parce qu’on pense que les photos ne vont pas rester (...) dans le cas d’Aïcha, c’est visiblement son ami qui aurait diffusé la vidéo à son insu sur les réseaux sociaux. » (Source : 6Medias, 01/05/2015)
Sans doute le milieu d’où provenait cette jeune fille était-il très pointilleux sur la pureté féminine. Mais tout de même, qui aimerait voir ainsi son intimité violée aux yeux de tous ? On peut mourir vraiment, réellement ou symboliquement, de ce type d’outrage. Ainsi selon la légende romaine la chaste Lucrèce se serait-elle poignardée après avoir été violée par Sextus, fils de Tarquin. On sait aussi que dans l’imaginaire l’hermine ne supporte pas de voir tachée sa fourrure blanche, et préfère mourir. Anne de Bretagne en avait fait son symbole : « Plutôt la mort que la souillure ». Survit-on quand on perd sa réputation ? « L’honneur, lit-on chez Pagnol, c’est comme les allumettes : ça ne sert qu’une fois. »
Voyez aussi L’Honneur perdu de Katharina Blum, roman d’Heinrich Böll, paru en 1974, pendant les « années de plomb » en Allemagne. Sous-titré : « Comment peut naître la violence et où elle peut conduire », il a été porté à l’écran l’année suivante par Margarethe von Trotta et Volker Schlöndorff. On y voit comment une femme ordinaire peut être victime d’un scandale médiatique dont elle ignore la raison, et comment sa réputation finit par être détruite par une campagne de presse. Mais Internet est plus redoutable, car il est mondialisé, à portée de n’importe qui, et le droit à l’oubli n’y existe pas : on peut y traîner des « casseroles » toute sa vie.
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Nota : Un recueil de toutes les chroniques précédentes, que j'ai données à Golias Hebdo de fin décembre 2008 à début mars 2014, est disponible en version enrichie, avec regroupement thématique des notions, et assorti de nombreux liens internes et externes facilitant son exploitation, sous forme de livre électronique multimédia :
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