Il doit nous avertir de quelque chose (latin monere, avertir). Or le récent incendie survenu à Notre-Dame de Paris me semble avoir créé une grande vague submergeante d’émotions, en sorte que l’avertissement a été laissé un peu à l’arrière-plan.
Rares sont ceux qui n’ont pas trouvé normal que près d’un milliard d’euros aient été immédiatement et facilement donnés pour la reconstruction, notamment par de grandes entreprises, alors que la pauvreté n’a jamais bénéficié d’un tel élan de générosité. Heureusement on lira à cet égard une très intéressante interview du Vicaire général du diocèse de Paris en charge de la solidarité, Benoist de Sinety, qui pose bien cette question : « Peut-on rebâtir Notre-Dame sans penser aux pauvres ? (Source : LaVie.fr, 19/04/2019)
En réalité, tout cet élan de générosité déployé pour la reconstruction de la cathédrale est plus problématique que son incendie. Les motifs ne sont pas, loin s’en faut, toujours religieux. Par exemple on se demande s’il faut reconstruire à l’identique la flèche écroulée, mais on oublie qu’elle a été érigée au XIXe siècle par un Viollet-le-Duc plus préoccupé de sa propre gloire, au point de s’y statufier lui-même, que par celle de la Foi. On ne fait pas de distinction entre l’édifice formel auquel on est attaché par habitude et les hommes de chair et de sang qui l’ont bâti en une époque d’ardente foi – avec laquelle la nôtre n’a quasiment plus rien à voir.
Aujourd’hui on s’attache à des pierres dont beaucoup ont oublié la signification. Elle était humaine, et l’avertissement qu’elles portaient était la nécessité d’une Transcendance. Le touriste qui fait un selfie narcissique devant Notre-Dame y sent-il que l’homme passe infiniment l’homme ? Et cela, malgré toutes les souffrances endurées par un peuple qui alors y trouva consolation ? Mais quel réconfort donner encore à ceux qui souffrent chez nous, à nos côtés ou à nos portes ? Par nostalgie on s’est jeté sur le roman d’Hugo Notre-Dame de Paris, mais a-t-on pensé aux Misérables du même auteur ?
Certes on rebâtira Notre-Dame, même si le monde où elle est née n’a plus rien de commun avec le nôtre. C’est humain et inévitable. Mais songeons qu’il y a une certaine légèreté à préférer les pierres aux hommes. Sans ces derniers les premières ne sont rien. Comme le disait Rabelais (Le Tiers Livre, 6) : « Je ne bâtis que pierres vives : ce sont hommes. »

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