Le père Arturo Sosa, supérieur général des Jésuites, a estimé dans la presse italienne que Satan était une « réalité symbolique ». L’Association internationale des exorcistes s’en est émue, rappelant que l’Église enseigne que le Diable est une créature bien réelle. (Source : la-croix.com, 23/08/2019)
Pourtant, la vision symbolique du Diable présente un grand intérêt. D’abord on se débarrasse de fables ridicules prises littéralement. Déjà dans le monde antique Lucrèce soulignait que les châtiments infernaux ne faisaient que symboliser les tourments que l’homme s’inflige à lui-même dans cette vie-ci : l’ambition insatiable pour le mythe de Tantale ou de Sisyphe, la démangeaison constante du désir pour celui du tonneau des Danaïdes, etc.
L’Église elle-même suggère une version symbolique de l’eucharistie, avec les paroles de la consécration : « Sanctifie ces offrandes... pour qu’elles deviennent pour nous le Corps et le Sang du Sauveur... » Ce « pour nous » peut certes signifier : « pour nous venir en aide ». Mais aussi, et pourquoi pas : « à nos yeux ». Autrement dit : « Fais que nous les prenions pour telles. » En somme, telles nous les verrons ou croirons, telles elles seront. L’idée est très fine. – Mais le célébrant est si attaché à la « présence réelle » qu’il omet souvent ce « pour nous » ambigu. L’enjeu ici est son propre pouvoir : celui d’effectuer réellement par ses paroles, de façon thaumaturgique, la transsubstantiation. On préfère éblouir le peuple par le miracle que l’éclairer par le symbole.
Qu’une chose soit symbolique ne signifie pas qu’elle n’existe pas. Existe ce à quoi on fait crédit, on accorde confiance ou fiducia. Voyez en médecine l’effet placebo : il existe réellement, même si scientifiquement on ne peut le justifier. Par exemple l’homéopathie, improuvable par la science, agit vraiment, par le seul crédit qu’on lui donne. Ses détracteurs mêmes le reconnaissent.
Je ne comprends pas pourquoi, sauf à maintenir les fidèles dans une éternelle enfance, les Institutions ecclésiales s’attacheraient à maintenir une version littérale de leurs textes et rites. Il est plus mature et plus intelligent d’en offrir une version symbolique, à laquelle les adultes mûris pourront croire davantage. Le symbolo-fidéisme, que l’on doit au protestant Auguste Sabatier, incarne cette nouvelle voie. Mais l’Église romaine est-elle ainsi prête à se protestantifier ?

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