C’est dit le dictionnaire un « courant de pensée du mouvement écologiste, qui se consacre à la protection et à la restauration de l’environnement, ainsi qu’à la préservation des espèces vivantes ». Eh bien, je serais tenté de voir dans ce mot un sens problématique, car dans cette lutte on peut parfois aller très loin.
Ainsi deux juristes néerlandais viennent de publier une étude dans le Journal of Environmental Law concernant les chats, par rapport à la législation de l’Union européenne sur la protection de la nature. Il en ressort que pour respecter le droit européen les propriétaires de chats ne devraient pas laisser leur animal sortir de chez eux et se promener en liberté, car les chats sont responsables de massacres de maintes espèces vivantes, dont au premier chef les oiseaux. Ils seraient responsables dans la seule France de la mort de 75 millions de ces derniers. Et les chats évidemment ne distinguent pas parmi eux les espèces protégées et celles qui ne le sont pas (Source : lavoixdunord.fr, 27/11/2019).
Confinons donc les chats à l’intérieur des maisons, et les oiseaux seront bien gardés. Empoisonnons rats et souris par des produits chimiques, même s’ils sont toxiques pour nous. Oublions que par nature, cette nature même que les écologistes défendent, les chats sont des félins prédateurs, des « tigres de salon » comme les appelait Victor Hugo. Oublions même, en généralisant, que la nature est un massacre permanent, comme dit le même poète : « Le monde est un massacre où le meurtre fourmille / Et la création se dévore en famille ». Soyons angéliques, et rêvons comme le dit le prophète que le loup dormira avec l’agneau (Isaïe 11/6) – même si ce jour-là l’agneau ne dormira pas beaucoup... Au fond, pourquoi préserver la nature, si l’on peut en changer les lois !
Oublions de même que les oiseaux mangent des insectes, en voie de disparition aussi, et qui peuvent avoir leurs propres défenseurs. Que le mieux est l’ennemi du bien, et que comme dit le proverbe latin la pire corruption est celle du meilleur (corruptio optimi pessima). Qu’à vouloir améliorer toutes choses on risque de les empirer, qu’il y a un effet pervers possible dans toute nouvelle mesure, et que le principe de précaution peut devenir principe d’inaction.
Quant à moi, j’oublierai le ridicule de ces graves juristes, et me contenterai de relever quotidiennement dans mon jardin les plumes témoignant du massacre effectué par tous les chats de mon quartier.
Article paru dans Golias Hebdo, 5 décembre 2019
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Ce texte est extrait de mon dernier recueil d'articles Petite philosophie de l'Insolite. L'ouvrage est disponible en deux formats, papier et livre électronique (E-Book). On peut en feuilleter le début en cliquant ci-dessous sur : Lire un extrait. On peut le commander sur le site de l'éditeur en cliquant sur : Vers la librairie BoD. Il est aussi disponible sur commande en librairie et sur les sites de vente en ligne.
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Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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