Je reçois régulièrement par Internet la lettre d’une église évangélique, dont le but évident est le prosélytisme. La dernière livraison est consacrée aux modalités de la Délivrance, euphémisme désignant ce qu’on entend chez nous par Exorcisme. On sait que ces rituels de délivrance se pratiquent régulièrement dans les assemblées évangéliques, ce qui n’est pas (ou plus) le cas au sein des églises traditionnelles.
Il est bien spécifié dans le document que j’ai reçu que ces pratiques ont un fondement biblique. Ce qui est vrai, si on exploite dans ce sens les Psaumes du Premier Testament, ou les prophètes, dont beaucoup de passages servent de prières de délivrance, le fidèle s’adressant à Dieu pour le délivrer précisément des épreuves qu’il rencontre. Dans le Nouveau Testament, on connaît les passages où Jésus chasse les démons : c’est un de ses visages (à côté d’autres bien différents), celui d’un exorciste.
On pourra trouver hors d’âge et très primitives ces pratiques de guérisons collectives, proches des cérémonies du vaudou par exemple. C’est un fait qu’elles perdurent dans des sociétés même évoluées, comme Huysmans les a évoquées pour la fin du xixe siècle dans Là-bas, ou comme les cinéastes les ont incarnées au xxe : L’Exorciste, Rosemary’s baby. On n’est pas à l’abri, même au sein d’une civilisation agnostique et laïcisée, d’un retour de la mentalité primitive : si grandes sont la crédulité et l’infantilisation !
Pourtant la prière essentielle du chrétien, qui semble en regard si apaisée et humaine, contient bien elle aussi une demande de délivrance : « Délivre-nous du mal » (Matthieu 6/13 ; Luc 11/4). Et même certaines traductions optent ici pour : « Délivre-nous du Malin », ce qui est possible à partir du terme grec et de sa traduction latine. Dans ce dernier cas c’est bien du Diable qu’il est question, et de son combat éternel avec Dieu.
Il me semble tout de même que la traduction par le « mal » est moins dangereuse, car elle évite de donner au Diable une réalité physique, celle d’un être qu’il faut conjurer effectivement par l’exorcisme, en s’exposant à tous les psychodrames traumatisants que la procédure implique. Gardons le Diable comme symbole, et voyons-nous comme le lieu d’un combat où s’affrontent en nous les forces de vie et les forces de mort. Cela est à mon avis plus digne d’un être humain, qui n’y est pas vu comme le jouet passif de puissances extérieures à lui.

***
Retrouvez tous mes articles de Golias Hebdo, publiés en plusieurs volumes, sous le titre Des mots pour le dire, chez BoD. Sur le site de cet éditeur, on peut en lire un extrait, les acheter... Cliquer : ici.
Notez qu'ils sont aussi tous commandables en librairie, et sur les sites de vente en ligne (Amazon, Fnac, etc.).
commenter cet article …