Une chaîne de restaurants de tacos californienne, Taqueria Garibaldi, a eu recours à un faux prêtre pour surveiller ses employés et tenter de leur faire avouer des « péchés » professionnels, comme le fait d’arriver en retard. L’imposteur les encourageait à libérer leur conscience. (Source : lessentiel.lu/fr, 20/06/2023).
Évidemment cet usage est condamnable. Mais indépendamment de cela il vaut la peine de se demander pourquoi ces restaurants ont eu recours à un prêtre pour couvrir leurs agissements, et non pas, par exemple, à un pasteur.
C’est que le pouvoir dont bénéficie le premier est sans commune mesure avec celui qui est dévolu au second. Le prêtre en confession agit in persona Christi – en tant que personne du Christ. À ce titre il a le pouvoir de lier et de délier, comme celui dévolu à l’apôtre Pierre : ici le pouvoir de retenir une faute ou de l’absoudre. Et ses paroles ont un pouvoir magique. Une fois prononcé l’acte de contrition du pénitent, elles sont performatives, font advenir ce qu’elles énoncent : Ego te absolvo in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti ‑ Je t’absous au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit.
C’est là un pouvoir exorbitant, ignoré en monde protestant. Au mieux un pasteur dirait en pareil cas : Que Dieu te pardonne ! Et jamais : Je t’absous ! Il n’y a chez les protestants aucune présomption de sacralité comme celle dont bénéficie le prêtre en catholicisme : pour Luther, d’ailleurs, tout croyant baptisé était un prêtre (c’est l’idée du « sacerdoce universel »).
Dès lors, on comprend pourquoi c’est vers le prêtre que s’est tournée la chaîne de magasins pour sa mise en scène. On pouvait bien instrumentaliser son image, car lui seul pouvait bénéficier du crédit que lui donnait sa position supérieure. Lui seul pouvait « impressionner » comme on dit les employés, lui seul pouvait leur faire peur d’abord et les inciter ensuite à « soulager leur conscience » en leur faisant espérer l’absolution. Il y a toujours là la possibilité d’un chantage. Cela est de tout temps d’ailleurs : Louis XIV lui-même tremblait devant son confesseur !
Finalement le prêtre vu comme imposteur et espion ne fait que nous ramener à notre désir infantile d’être protégé et rassuré. Son pouvoir sur nos âmes durera tout autant que nous le lui donnerons. Il en est de lui comme du tyran chez La Boétie : il n’est grand que parce que nous sommes à genoux.
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