Il y a des mots, disait Valéry, qui ont plus de valeur que de sens. C’est le cas du mot de liberté, que l’on arbore avec beaucoup d’exaltation, mais dont la signification est souvent totalement creuse parce qu’abstraite, générale, et fourre-tout.
On connaît le poème éponyme d’Éluard. La liberté y est célébrée sur un mode litanique. Mais de quelle liberté s’agit-il : de celle d’un chômeur, de celle d’un migrant, de celle d’un cancéreux ? Ils n’ont pas tous les mêmes possibilités. Ce poème est essentiellement religieux, comme le souligne bien Benjamin Péret dans Le Déshonneur des poètes. Le plus grand flou le caractérise, il fait penser à ce langage des prêtres de tous ordres qui sont, toujours selon Valéry, les « préposés aux choses vagues ».
Si demain je vais à l’Élysée et salue le président de la République d’un retentissant « Bonjour Mademoiselle ! », on verra si je serai libre de le faire...
... C’est à quoi j’ai pensé en entendant les anti-vaccins défendre leur liberté lors de nombreuses manifestations, et accusant le pouvoir en place de dictature. Car enfin, de quelle liberté s’agit-il ? De celle de faire tout ce dont on a envie ? Mais ce n’est pas la liberté, c’est la licence. La liberté de chacun s’arrête où commence celle des autres, et doit nécessairement être bornée : à cela servent les lois précisément, qui défendent tous les citoyens sans exception, contre les exactions de certains. On se reportera ici à ce que dit Montesquieu dans L’Esprit des lois, en montrant comment se corrompt la démocratie par l’abandon du souci de l’autre et de la responsabilité afférente : « On était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. »
Un seul principe, mais fondamental, régit la vie individuelle et celle des sociétés : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. » Les opposants à la vaccination ne voudraient pas assurément être contaminés par le virus. Cependant ils ne se soucient pas de contaminer les autres. Ils ne pensent qu’à eux, sans voir au-delà de leurs envies immédiates.
Ce principe me semble si facilement compréhensible que ces manifestations n’apparaissent à l’évidence que comme un prétexte pour se dresser contre le pouvoir en place. Ce n’est pas pour rien qu’on a vu les Gilets Jaunes s’y adjoindre. Et sur les braises de l’émoi soufflent les démagogues de tout poil, qui instrumentalisent et manipulent la naïveté de certains crédules apeurés.
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Signification de cette image : La liberté absolue n'existe pas. Se libérer n'est que sauter de contraintes étroites à simplement des contraintes plus larges, comme le poisson du premier au second bocal.
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Ce texte est à paraître dans le journal Golias Hebdo. Il figurera dans une collection dont fait partie l'ouvrage suivant en tant que premier tome. On peut en feuilleter le début (Lire un extrait), et on peut l'acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Tous les livres de la collection sont aussi disponibles sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.

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DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils ont cependant un contenu intemporel, et se prêtent toujours à une réflexion philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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