Je republie un article paru au mois d'août de l'an dernier. Le mois d'août actuel est hélas identique dans mon département.
Sitôt ouverte la porte de la maison, j’entre dans une fournaise. Aucun vent perceptible, une immobilité générale, tout est figé et hostile. D’habitude c’est le mouvement qui est signe de vie. Mais ici il n’en est rien, nul indice ne le laisse supposer. Nulle présence autre que celle d’une lumière aveuglante. La suffocation m’envahit. Vite je rentre chez moi.
Je sais bien que, comme disent les spécialistes, cet état est appelé à se reproduire. Mais jusqu’ici je ne le croyais pas. Ou du moins j’espérais autre chose. Par exemple, que parvenu à la fin de l’été cette année au moins j’y échapperais. Vaine présomption. Je suis maintenant rendu à la lucidité pour tout ce qui peut se produire dans l’avenir. Blessure inévitable.
Évidemment m’assiègent des réminiscences. Fin du monde, destruction universelle, apocalypse… L’imaginaire est fécond qui les présente et transmet. Mais pour trouver un embryon d’issue ou de consolation, et me souvenant de l’absence totale de vent, je préfère ici ce que dit l’Évangile de Jean.
Le vent souffle où il veut. Même invisible, on entend sa voix. Là est ce qui permet à chacun de renaître. Il faut se mettre à l’écoute du Vent, le laisser s’installer en soi. Ce souffle est salvateur, vivifiant (zôopoion, vivificans, comme dit le Credo de Nicée).
Bien sûr il s’agit aussi du Souffle de Dieu, via son Esprit. Mais je préfère laisser de côté ce catéchisme, où on peut ne pas voir et sentir vraiment les choses. Ce qui est directement sensible me parle davantage. Quand donc se lèvera ce souffle, ce vent, qui me redonnera vie ?
Demain ? Plus tard ? La météo parle d’une demi-semaine. Pour l’instant je reste prostré, suffoquant, sans vie. J’attends…
… Il me souvient aussi de certaines périodes pénibles de ma vie passée, où j’étais dans la même situation. Rien ne s’était produit de ce que je rêvais. Et de ce que j’avais le rêve était absent. L’immobilisation, l’abattement sur place, étaient mon lot. C’était un abandon sans vie, un dessèchement désertique, une atmosphère sans vapeur d’eau. Je n’avais plus alors, comme aujourd’hui, que la part de l’attente.
Je pense que chacun, pour peu qu’il ait vécu, a connu pareilles canicules dans sa vie. Elles font partie du fait même de vivre, et pourtant on n’y vit pas. Ils m’ont toujours surpris, ceux qui ont peur de la mort. Ils oublient qu’on meurt déjà plusieurs fois dans la vie, et que certaines morts sont pires que la mort même.
Mais de ces morts successives on peut renaître, pour peu que revienne le Vent, l’Élan. Et reprendre sa marche, à l’image du voilier dont enfin se gonfle la voile.
J'ai toujours pensé que ce ne sont pas celles qui nous sont imposées par la biologie et les liens du sang, mais celles que l'on choisit librement et au sein desquelles on trouve un amour effectivement partagé. Je viens d'être conforté dans cette pensée en ayant vu hier soir, sur Arte, le film d'Hirozaku Kore-eda, Une affaire de famille (lien), qui a obtenu la Palme d'Or au Festival de Cannes 2018.
De même que le vrai Père n'est pas le père selon la chair, mais celui qui adopte l'enfant, comme je l'ai signalé hier (lien), de même la vraie famille est une famille aimante, comme on le voit dans le film. Elle "adopte" une petite fille, l'élève et la fait grandir. Peu importent alors ses parents réels, qui dans le film sont décevants parce que dépourvus d'amour. Sa vraie famille est ailleurs.
L'amour que l'on porte à sa famille est pour moi basé sur le choix qu'on en a fait. Cela s'exprime très bien dans le mot français dilection, qui vient du latin diligere, choisir (voyez aussi : élection).
J'ai défendu ce type d'amour dans mon livre Savoir aimer - Entre rêve et réalité (lien). J'ai montré qu'à côté de l'amour de désir ou de passion (éros), de l'amour de bienveillance (agapé) et de l'amour d'amitié (philia), il y a, couronnant les deux derniers, l'amour de choix (dilectio), dont l'amour qu'on a pour la famille qu'on s'est choisie librement est un bel exemple. Les liens n'y sont pas imposés au départ, mais à créer.
A l'inverse, voyez ce que dit Eluard de Violette Nozière, meurtrière de ses parents : "Elle a brisé l'affreux nœud de serpents des liens du sang."
Voici maintenant un texte, mis sur un autre site, où j'expose tout cela :
Familles spirituelles " Si quelqu'un vient à moi, et s'il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs, ... il ne peut être mon disciple. " (Luc 14/26) La fam...
Voici un panneau qui a été installé par la mairie d’Epinay-Champlâtreux (Val-d’Oise) sur la D316 qui relie la Seine-Saint-Denis à l’Oise, prévenant les contrevenants qu’ils sont vidéo-surveillés et risquent d’être verbalisés. Un exemple inspiré de celui installé à Valence (Drôme).
Ce panneau fait mention d'une loi de prohibition que je trouve liberticide : Acheter un acte sexuel est interdit par la loi et passible d'une amende de 1500 euros.
Et voici à ce propos le texte de deux articles que j'ai publiés dansGolias Hebdo en 2013 et 2014, et qui sont repris dans le tome 3 de mes recueils d'articles Des mots pour le dire. Ils ont été écrits avant que soit votée la loi en question. On y verra un bel exemple de ce retour de l'Ordre Moral, lamoralinede Nietzsche, auquel nous assistons aujourd'hui.
Contre une proposition de loi qui prévoit, pour éradiquer la prostitution, de pénaliser le client, un manifeste des « 343 salauds » vient de paraître. Il s’inspire évidemment du « Manifeste des 343 salopes », signé en 1971 par des femmes ayant avorté, alors que l’IVG était encore passible de poursuites (Source : A.F.P., 30/10/2013).
J’admire l’assurance des promoteurs de cette loi, qui ne se sont pas rendu compte de l’extrême complexité de la question. D’abord il eût fallu bien distinguer les prostituées contraintes, et pour cela pourchasser impitoyablement les réseaux qui les exploitent, des prostituées volontaires. Il est évident que dans ce dernier cas la loi est un obstacle à leur liberté. En outre, comment repérer qu’un couple appréhendé a des relations tarifées ? Il pourra toujours le nier, et comment prouvera-t-on le contraire ? Aucun client n’aura la bêtise de payer la relation au moyen d’un chèque ou d’une carte de crédit !
Se pose ici le même problème que celui de l’incrimination pour « devoir conjugal » non accompli [voir tome 2 :Obligation]. Pourquoi la justice, en-dehors évidemment des cas de violence hautement punissables, devrait-elle toujours se mêler de la vie privée ? Le même problème d’immixtion s’était posé déjà à propos d’un projet de loi voulant interdire de donner une fessée aux enfants [voir tome 1 :Angélisme].
Bien sûr, on va produire des arguments moraux : il est déshonorant de vendre son corps. Mais l’est-il plus que de vendre son temps, sa substance, physique ou intellectuelle, dans un travail salarié que l’on subit, et dont on ne tire aucune gratification pour son âme ? Où est la supériorité de ce dernier cas, par rapport à celui de rapports sexuels contractuels entre deux adultes consentants ?
De ce point de vue, on peut comprendre qu’une prostituée puisse venger, en faisant ce choix, toutes ses sœurs miséreuses et exploitées, qui n’ont pu comme elle « sortir du ruisseau » : voyez là-dessusNana, de Zola.
Et aussi, que penser de certaines femmes dites honnêtes ? Pensons d’abord à ce que dit La Rochefoucauld : « Il y a peu d'honnêtes femmes qui ne soient lasses de leur métier. » Aussi pensons à ce qui se passe dans certains mariages : les vraies prostituées, dit Brel dansL’Air de la Bêtise, sont celles qui se font payer pas avant mais après. Et enfin, que savons-nous des destins, pour ainsi juger les prostituées ? Telle ou telle eût pu être notre mère, comme dit Brassens dans saComplainte des filles de joie…
Toute initiative pour protéger les prostituées, leur condition matérielle et sanitaire par exemple, est évidemment bienvenue. Mais la judiciarisation systématique des conduites à laquelle on assiste aujourd’hui pèche son systématisme, son traitement simpliste de questions autrement plus compliquées.
Prostitution (suite)
Je viens de lire dans l’hebdomadaireLa Gazette de Montpellier, journal ordinairement sérieux, l’article suivant, sous le titreFacs – 4% des étudiants se prostitueraient :« 4% des étudiants ont déjà accepté des relations sexuelles contre de l’argent ou des cadeaux. C’est la conclusion d’une étude menée par l’Amicale du Nid, le Crous et l’université Paul-Valéry. Parmi les 1800 répondants, tous étudiants à la fac de lettres, 22 hommes et 37 femmes ont ainsi vécu cette situation. Plus étonnant : plus de la moitié des étudiants interrogés estiment que cela peut être un moyen de s’en sortir. »(n°1363-1365, du 31/07 au 20/08 2014, p.13)
Cet article conforte ce que j’ai déjà dit dans mon billetProstitution (initialement paru dans le n°312 de Golias Hebdo), lorsque je me suis élevé contre une proposition de loi qui prévoyait, pour éradiquer la prostitution, de pénaliser le client. Ce texte liberticide émanait à l’évidence d’un lobby féministe moralisateur, qui pouvait voir dans la prostitution, selon le titre de la chanson de Brassens, une« concurrence déloyale ». Mais évidemment il se drapait dans de hautes considérations éthiques, selon lesquelles il est déshonorant de vendre son corps – comme si quotidiennement le travailleur salarié exploité ne vendait pas lui aussi une partie de son être intime, gaspillée sans retour ! De toute façon, la réaction susdite de ce« plus de la moitié des étudiants interrogés », qui dans la prostitution ne voit ni objection ni abjection, fait justice de l’argument moral.
Notre société est victime de ce que Nietzsche appelait la« moraline », c’est-à-dire un souci de tout justifier moralement, pouvant mener à une censure systématique de toute conduite jugée condamnable, au mépris des libertés élémentaires de l’individu. D’où la judiciarisation systématique des conduites à laquelle on assiste aujourd’hui, qui pèche par son traitement simpliste de questions autrement plus compliquées.
S’agissant de la prostitution, on peut évidemment la déplorer, mais non a priori la condamner si elle est volontaire, et met face à face des adultes consentants. Un axiome juridique est d’ailleurs :Volenti non fit injuria– « Envers qui consent, pas d’injustice ». Dans le cas contraire, et s’il y a contrainte, il suffirait de poursuivre les proxénètes, dont une grande partie d’ailleurs est faite de femmes, n’en déplaise à notre lobby socialo-féministe !
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Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).