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14 janvier 2025 2 14 /01 /janvier /2025 02:00

S

elon la Bible il fut condamné par Dieu, pour avoir tenté Ève, à « marcher sur son ventre et manger de la poussière tous les jours de sa vie » (Genèse 3/14).

 

Évidemment le lecteur se demande alors comment il était et ce qu’il faisait auparavant : volait-il dans les airs, avait-il des pattes, par exemple de longues et fines jambes qui faisaient sa fierté ? Toutes les rêveries sont possibles...

 

Mais non, aujourd’hui le mystère est levé. On vient de révéler l’existence, au musée de Berlin, d’un fossile de serpent pourvu de quatre membres inférieurs. Cette découverte est annoncée triomphalement, photo probatoire à l’appui, sur un site juif bien-pensant, qui y voit une preuve de la vérité historique, factuelle, du récit biblique : « Découverte d’un serpent à quatre pattes comme le décrit la Torah ! » (Jforum.fr, 26/11/2017).

 

La Torah évidemment ne « décrit » pas un serpent à quatre pattes. Cette assertion est le propre d’un commentateur assurément pieux, qui extrapole sur le récit et veut le conforter par une argumentation logique qui en garantirait la vérité. Et c’est précisément cette attitude qui est bien naïve. Elle oublie le sens symbolique du récit. Comme dit Alain dans Les Dieux : « Ce qui importe, ce n’est pas si c’est vrai, mais comment c’est vrai. »

 

La Bible ne s’intéresse pas du tout à la vraisemblance factuelle de ce qu’elle raconte. Elle procède exactement comme fait Ovide dans ses Métamorphoses. Le poète voit par exemple les baies rouges du mûrier, et il imagine qu’elles sont le résultat d’une fiction qu’il nous raconte : autrefois elles étaient blanches, mais Pyrame se méprenant et croyant à la mort de son amante Thisbé plonge son épée dans son sein, et son sang rougit les fruits qui désormais seront rouges (IV, 55-166). Il en est de même du serpent biblique : ce qu’il en fut de lui avant la malédiction divine n’a aucune importance. Simplement sa reptation actuelle est le résultat d’une fiction étiologique forgée ad hoc, pour en rendre compte.

 

Chercher de la logique dans ce type de récit procède d’un littéralisme étranger à toute poésie, donc au sens profond des choses.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 14 décembre 2017

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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10 janvier 2025 5 10 /01 /janvier /2025 02:00

I

l me semble qu’on en manque un peu aujourd’hui. J’ai entendu en effet au Journal de 19 heures de France Inter, le 14 février dernier, qu’une pâtisserie de Bordeaux a commercialisé, à l’occasion de la Saint-Valentin, fête des amoureux, des sexes masculins en chocolat.

 

Des femmes interviewées ont dit être intéressées. Seul un homme fut contre, préférant, au risque du kitsch, des pâtisseries en forme de petits cœurs. Inversion des rôles donc : le romantisme, qui se cache bien, n’est peut-être pas où l’on croit…

 

Il s’agissait donc de fêter l’amour. Mais lequel ? Dans L’Homme unidimensionnel, Marcuse oppose bien l’amour humain à la sexualité. Le premier s’entoure de rêve, d’imaginaire, de ce que Stendhal appelle la cristallisation, c’est-à-dire la valorisation en solitude et à distance de l’objet aimé. Bref, il se vêt de poésie, et ouvre l’homme à un idéal, une Transcendance. Mais la sexualité ramène l’amour à la pulsion élémentaire, immédiatement satisfaite, tout embellissement onirique ôté. Ce n’est pas la même chose de faire l’amour dans un pré tout orné de fleurs, et dans une voiture. J’ai bien peur qu’aujourd’hui le rêve amoureux, et la rhétorique afférente, soient fort en déclin.

 

Dans Le Meilleur des mondes, Huxley nous montre les hommes modernes conditionnés à ne se considérer que comme des « tas de viande », cédant à leurs instincts aussitôt qu’apparus, et relé­guant aux vieilles lunes le romantisme traditionnel de l’amour. On y perd évidemment beaucoup, l’animalité triomphant sur les décombres des anciens rêves.

 

Par hypnopédie, ou conditionnement durant le sommeil, on persuade les gens que « chacun appartient à tout le monde », que tout sentiment exclusif et exalté dont être banni : c’était bon pour l’ancien monde... Désormais on est échangiste et décomplexé, enfin « heureux » !

 

De la sorte l’emprise du Pouvoir politique sur ses assujettis augmente tout naturellement, car l’amour vrai avait une force de résistance sociale et un pouvoir d’anarchie qu’il a perdus.

 

Gageons que saint Valentin se serait retourné dans sa tombe, s’il avait vu que sa fête ramenait l’amour à la simple pulsion sexuelle, comme on l’a constaté fréquemment dans les offres commerciales qui nous ont été faites à cette occasion.

 

La traditionnelle fête du sentiment devient en effet, progressivement mais invinciblement, celle de l’érotisme. On est maintenant bien loin des doux amoureux de Peynet. J’ai reçu entre tant d’autres une publicité sur Internet vantant un site intitulé « Adopte un mec », et invitant pour ce faire à « accéder au stock » !

 

... Continuez comme cela, mes chers contemporains, et vous perdrez jusqu’à la poussière de votre nom !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 28 février 2013

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

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9 janvier 2025 4 09 /01 /janvier /2025 12:40

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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