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25 mars 2025 2 25 /03 /mars /2025 02:00

I

l est dangereux d’en faire trop, de vouloir à tout prix se mettre en avant. Et il y a des cas où le comportement est même hautement dommageable.

 

C’est à quoi j’ai pensé en lisant un bizarre fait divers, rapporté par l’A.F.P. (20/07/2013) : un pompier volontaire de 22 ans à Valentigney (Doubs) allumait des feux de poubelles pour le plaisir selon lui, ainsi que le rapporte le dossier de police, de pouvoir ensuite les éteindre avec ses collègues.

 

Quelles ont été les motivations de ce pompier pyromane ? Je laisse de côté l’hypothèse, évoquée par certains,  d’une prime éventuelle qu’il eût pu toucher après avoir éteint l’incendie. Les hommes ne sont pas mus toujours par des considérations financières. La simple considération, le désir d’être remarqué et apprécié, les fait agir bien souvent.

 

Il semble que certains ne supportent pas l’obscurité de leur personne, l’anonymat. Ils préfèrent même qu’on parle mal d’eux, plutôt qu’on n’en parle pas du tout. On connaît le cas d’Érostrate, qui incendia le temple d’Artémis à Éphèse, une des sept merveilles du monde, tout simplement pour que son nom passât à la postérité. En quoi il a fort bien réussi, puisqu’il est présent encore dans nos mémoires. Sartre a donné le nom de ce personnage à une de ses nouvelles, dans Le Mur.

 

L’homme peut supporter beaucoup de choses dans sa vie, mais s’il est une chose qu’il tolère très difficilement, c’est le sentiment d’être inutile. Tous les retraités vous le diront, et aussi, je pense, bien des travailleurs aujourd’hui, dépossédés de toute initiative et responsabilité sur ce qu’ils font. Le bore out, l’ennui et le sentiment d’être inutile, les touche autant que le burn out, l’épuisement par la suroccupation.

 

Le désir de de faire du zèle habita peut-être notre jeune pompier. Peut-être voulait-il montrer qu’il valait quelque chose, faire un coup d’éclat en se donnant une occasion d’intervenir. Une telle motivation est aisément compréhensible, et il n’est pas besoin ici d’aller chercher des explications réductrices, comme l’intérêt financier, ou psychanalytiques, comme la secrète fascination causée par ce contre quoi on est chargé de lutter.

 

La seule question est la sottise du procédé utilisé ici, le manque d’intelligence dans la conduite. Comme l’Ours de la fable de La Fontaine, qui casse la tête à son ami le Jardinier en écrasant une mouche posée sur le nez de ce dernier, l’homme a manqué de discernement. Le but était peut-être louable, le résultat catastrophique, parce que marqué au sceau de l’irré­flexion.

 

La leçon à en tirer est que l’intention dans l’action ne suffit jamais : il faut s’interroger sur le moyen qu’on y utilise. Et il est bien dommage que celui-ci puisse disqualifier celle-là.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 1e août 2013

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
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Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

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23 mars 2025 7 23 /03 /mars /2025 02:00

L

a police de Chicago enquête sur le viol présumé d’une Américaine de 15 ans retransmis en direct sur Facebook Live. Une quarantaine de personnes ont regardé la vidéo en direct, selon la police, sans qu’aucune d’elles prévienne les autorités. (Source : LeMonde.fr, 23/03/2017)

 

Ce n’est pas la première fois que des événements de ce type, agressions, accidents, suicides même, filmés et diffusés en direct par le même canal, se produisent sans susciter de réactions de la part de ceux qui les regardent. Le réseau social, malgré l’existence de modérateurs, ne supprime les vidéos violentes ou choquantes qu’après qu’elles ont été signalées en tant que telles par des utilisateurs (même source).

 

À l’évidence, ce non-signalement devrait être une infraction à la loi. Quiconque est le témoin d’un fait analogue est normalement tenu d’en informer la police, sauf à être accusé de non-assistance à personne en danger.

 

Il est même plus coupable en un sens que l’acteur lui-même de la scène : laisser faire, disait Péguy, est pire que faire. Car celui qui fait, il a au moins la hardiesse de faire. Mais pour celui qui laisse faire, il y a la lâcheté en plus. Il semble qu’il y ait partout, aujourd’hui, une lâcheté infinie : il y a plus de crimes qui se commettent en fermant les yeux que par vraie scélératesse. Le silence des pantoufles est plus effrayant que le bruit des bottes.

 

Mais en l’espèce les yeux sont restés ouverts par fascination morbide, par voyeurisme. Freud, puis Jacques Lacan ont parlé de la « pulsion scopique », ou « scopophilie », qui renvoie aux zones les plus troubles de l’être, en dépersonnalisant totalement ce qui est regardé.

 

Aussi c’est un trait de civilisation. À force de voir le déluge d’images dont chaque journée nous gratifie, on ne distingue plus l’image du réel : tout n’est que cinéma, ou jeu vidéo. Il y a là une véritable et constante aliénation : l’image sidère et anesthésie, elle ne nous ouvre plus les yeux sur la vie, et ce que nous voyons n’est plus qu’une fantasmagorie de somnambule, un rêve éveillé. Yeux grands ouverts peut-être, mais aussi grands fermés : Eyes wide shut.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 6 avril 2017

 

D.R.

 

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19 mars 2025 3 19 /03 /mars /2025 02:00

E

ntendu en ce jour de l’investiture de notre nouveau président, 15 mai 2012, au journal de 13 heures de France Inter, lors d’un micro-trottoir, ce commentaire dépité d’un partisan du président sortant : « On avait un président qui en avait… Vous voyez ce que je veux dire… » Évidemment, pour lui, le nouvel élu, qui par ailleurs répète qu’il se veut « normal », « n’en a pas… »

 

Je suis resté effaré, non tant par la trivialité ou la grossièreté du propos, que par la vision de la politique qu’il dénote, et qui est sans nul doute partagée encore par bien des hommes machistes. On préjuge des liens nécessaires entre la compétence au pouvoir et la performance sexuelle masculine.

 

Bien entendu, je suppose ici connue des lecteurs le sens de l’ellipse contenue dans cette expression française. En anglais par exemple l’ex­pression « En avoir ou pas » peut concerner simplement l’argent, comme il se voit dans le roman d’Hemingway qui porte ce titre.

 

Cette virilité hautement affirmée et posée comme gage d’efficacité m’a toujours fait rire. Elle se trouve dans Le Cid de Corneille, qui n’est à bien des égards qu’une pièce simplement phallocrate, où l’honneur chevaleresque, comme l’a remarqué Schopenhauer, ne fait que se pavaner et se camper absurdement comme un coq sur ses ergots. Il suffit de transcrire le fameux : « Rodrigue, as-tu du cœur ? », par le sens trivial qu’il recouvre en fait : « Rodrigue, est-ce que tu en as ? » Ne craignons donc pas de revisiter nos classiques…

 

... Et de revisiter aussi nos préjugés. Quid de la fameuse force virile, et de la supposée faiblesse féminine ? Bien souvent la femme est bien plus courageuse, volontaire et énergique que l’homme, et l’ex­pres­sion « le sexe faible » est ici un cliché. Il ne faut donc pas généraliser.

 

Au reste, à force de s’obnubiler sur sa virilité, l’homme oublie qu’il peut la perdre, et bien facilement. C’est alors que toute sa fierté peut s’effon­drer. Comme le dit le proverbe latin : « Neque semper arcum tendit ApolloEt Apollon ne tend pas toujours son arc… »

 

Article paru dans Golias Hebdo, 24 mai 2012

 

D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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