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elon la Bible il fut condamné par Dieu, pour avoir tenté Ève, à « marcher sur son ventre et manger de la poussière tous les jours de sa vie » (Genèse 3/14)
Évidemment le lecteur se demande alors comment il était et ce qu’il faisait auparavant : volait-il dans les airs, avait-il des pattes, par exemple de longues et fines jambes qui faisaient sa fierté ? Toutes les rêveries sont possibles...
Mais non, aujourd’hui le mystère est levé. On vient de révéler l’existence, au musée de Berlin, d’un fossile de serpent pourvu de quatre membres inférieurs. Cette découverte est annoncée triomphalement, photo probatoire à l’appui, sur un site juif bien-pensant, qui y voit une preuve de la vérité historique, factuelle, du récit biblique : « Découverte d’un serpent à quatre pattes comme le décrit la Torah ! » (Jforum.fr, 26/11/2017).
La Torah évidemment ne « décrit » pas un serpent à quatre pattes. Cette assertion est le propre d’un commentateur assurément pieux, qui extrapole sur le récit et veut le conforter par une argumentation logique qui en garantirait la vérité. Et c’est précisément cette attitude qui est bien naïve. Elle oublie le sens symbolique du récit. Comme l’écrit Alain dans Les Dieux : « Ce qui importe n’est pas si c’est vrai, mais comment c’est vrai. »
La Bible ne s’intéresse pas du tout à la vraisemblance factuelle de ce qu’elle raconte. Elle procède exactement comme fait Ovide dans ses Métamorphoses.
Le poète voit par exemple les baies rouges du mûrier, et il imagine qu’elles sont le résultat d’une fiction qu’il nous raconte : autrefois elles étaient blanches, mais Pyrame se méprenant et croyant à la mort de son amante Thisbé qu’il suppose, ne voyant plus que son écharpe, avoir été dévorée par un lion, plonge son épée dans son sein, et son sang rougit les fruits qui désormais seront rouges (IV, 55-166).
Il en est de même du serpent biblique : ce qu’il en fut de lui avant la malédiction divine n’a aucune importance. Simplement sa reptation actuelle est le résultat d’une fiction étiologique forgée ad hoc, pour en rendre compte.
Chercher de la logique dans ce type de récit procède d’un littéralisme étranger à toute poésie, donc au sens profond des choses.
Article paru dans Golias Hebdo, 14 décembre 2017
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> Pour lire un article scientifique sur cette question des pattes du serpent, cliquer : ici.
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Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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