La Cour suprême états-unienne vient de donner aux états la possibilité de revenir sur le droit à l’avortement. À cette occasion l’ancien président Trump a dit que « c’était la volonté de Dieu » (Source : Ladepeche.fr., 25/06/2022).
Je ne sais s’il le pense vraiment, ou si cette parole n’a pas d’autre but que de galvaniser ses partisans, de les souder autour de lui en vue par exemple d’une prochaine candidature qu’il pourrait présenter à la prochaine élection présidentielle. Auquel cas il y aurait là une manœuvre politique, et la « volonté de Dieu » serait en la matière instrumentalisée par calcul.
Mais cette instrumentalisation est aussi générale dans la majorité des esprits croyants. Au lieu de parler modestement de Dieu comme d’une simple limite mise à nos possibilités de compréhension, on s’avise de vouloir savoir ce qu’il fait, ce qu’il pense, ce qu’il veut, etc. On le fait servir à nos moindres caprices, et on projette sur lui ce que l’on sent en soi. Voltaire déjà remarquait que si Dieu a fait l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu. De façon tout à fait anthropomorphique il s’en fait une idée selon ce qu’il en imagine, et il le fait parler comme lui le veut.
Cela sert évidemment les prêtres, pasteurs, rabbins, imams, ministres des cultes divers, etc., tous les directeurs du troupeau fidèle. Quel ascendant ont-ils sur les âmes, qu’ils dirigent de cette façon ! Là le ressort de cette posture n’est bien souvent que le désir humain de pouvoir.
Mais aussi je dirais la même chose, bien qu’ils soient souvent innocents de ce désir, des théologiens. Ils s’arrogent le droit de discourir sur Dieu, comme s’il s’agissait d’un être sondable ! Tout ce qu’on peut dire de lui est par nature condamné à être pure fiction. La théologie, disait fort justement Borges, est « une branche de la littérature fantastique ».
La seule théologie pertinente, à mon sens, est au rebours de ce que dit son nom (discours sur Dieu) la théologie apophatique, ou négative : de Dieu on ne peut dire que ce qu’il n’est pas. Et de lui on ne sait rien, puisqu’il est précisément la limite métaphorique de tout langage et de toute pensée. Évidemment la seule option alors est le silence. Comme dit Lao-Tseu à propos du Tao : « Celui qui parle, ne sait pas. Celui qui sait, ne parle pas. »
Que de bavards donc, qui prennent Dieu comme prétexte, pour en réalité l’instrumentaliser, et se dire eux-mêmes !
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