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l y a dans la vie beaucoup de coïncidences cocasses. À moins qu’on n’y voie des signes du destin, selon les partisans de la « synchronicité » jungienne, ou des intentions cachées présidant aux événements, selon ce que dit André Breton dans Nadja, quand il parle des coïncidences sidérantes, ou selon son expression « pétrifiantes ».
Ainsi il y a peu on s’est avisé qu’à Cogolin, dans le Var, une statue de la Vierge figurait depuis les années quatre-vingt-dix sur un rond-point situé chemin de la Radasse. Certains paroissiens s’en étant déclarés choqués, le maire s’en est excusé, et la statue a été déplacée en un lieu plus convenable, chemin Notre-Dame-des-Anges. Mais il paraît que si elle s’y trouve mieux, en revanche elle se voit moins bien (Source : Var-Matin, 19/02/2013).
On aurait pu tout aussi bien rebaptiser l’ancien chemin, et tout serait rentré dans l’ordre. Mais la voirie a des mystères, et ses voies, c’est le cas de le dire, sont sans doute aussi impénétrables que celles de Dieu…
Que si maintenant on se penche sur le fond de cette affaire clochemerlesque, on notera que dans une certaine tradition juive, peu amène évidemment vis-à-vis de la chrétienne, Jésus n’aurait été qu’un bâtard, fils d’un centurion romain nommé Pantheras, la Panthère. Marie aurait donc été une fille-mère, mal considérée évidemment au même titre que celles qui font le trottoir : « radasse », prostituée de bas étage, vient de « rade », trottoir.
C’est un fait que dans l’évangile de Marc Jésus est appelé simplement « fils de Marie » (6/3) : c’est donc un enfant naturel, puisque dans la tradition juive le nom se transmet par le père. Bien sûr à une attaque aussi perfide les chrétiens ont répondu, en soutenant que Pantherou, fils de la Panthère, était une corruption de Parthenou, fils de la Vierge.
D’autre part, pourquoi la Vierge Marie, si l’on adopte le dogme chrétien dans sa modalité catholique, ne pourrait-elle pas intercéder elle-même pour une fille perdue ? Jésus lui-même n’a-t-il pas pardonné à la pécheresse repentante, parce que ce faisant « elle a beaucoup aimé » (Luc 7/47) ? La statue posée sur le chemin incarnant la perdition aurait pu en montrer le rachat et la fin possibles. Il y aurait eu là un beau symbole.
Mais nos paroissiens varois n’ont pas pensé si loin. Ils ont vu une injure, un blasphème là où un esprit plus fin aurait pu trouver une occasion de méditation profonde. Bref ils ont manqué de cette qualité il est vrai si rare : l’imagination.
Article paru dans Golias Hebdo, 7 mars 2013
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