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lle nous empêche de connaître paix et, comme dit son étymologie latine, repos (quies).
J’y ai pensé en apprenant, sur le site de France 24, en date du 03/03/2009, l’existence d’une campagne de publicité sur les bus de Londres et de Toronto, au Canada anglophone. Apposées à l’initiative d’une « Association humaniste », en fait athée, les affiches disaient, en gros caractères : « There’s probably no God. Now stop worrying and enjoy your life ». C’est-à-dire : « Il n’y a probablement pas de Dieu. Cessez maintenant de vous inquiéter et profitez de la vie. »
En dépit de la prudence du « probablement », la définition de la croyance en Dieu implicitement contenue dans cette campagne est intéressante : cette croyance est basée sur la peur, et s’en délivrer est salutaire, pour tirer au moins plaisir de ce bref passage sur cette terre qui nous est échu.
Cette sagesse hédoniste est à mon avis irréfutable, et on en pourrait trouver quelques échos dans le seul livre de la Bible qui peut y répondre, l’Ecclésiaste. Malheureusement le reste du Livre sacré y contrevient, en contenant beaucoup de passages menaçants, et en justifiant ainsi la formule latine : Primus in orbe timor fecit deos – C’est d’abord la peur qui sur la terre a fait les dieux.
« Dieu, a dit Baudelaire, est le seul être qui pour régner n’a pas besoin d’exister. » Comprenez qu’il tire son existence simplement de la peur que nous avons de lui – et aussi, me dira-t-on, de l’espoir que nous plaçons en lui. Mais si l’espoir fait vivre, bien souvent il nous empêche de vivre, car nous différons toujours nos plaisirs, et nous nous décentrons, nous détournons du moment présent : d’où cette constante inquiétude dénoncée par notre campagne.
Je sais bien que beaucoup de croyants nous diront que ce Dieu-Gendarme est périmé, qu’en réalité il est Amour, comme le dit la première lettre de Jean, en 4/8, en oubliant le barbare verset 10 qui suit. [v. Contexte]
C’est un fait en tout cas que tout au long de la Bible court une strate rédactionnelle de nature menaçante et finalement eschatologique, alimentant depuis toujours une pédagogie de la peur : le Jugement dernier y figure explicitement, et constitue encore un article de foi du Credo.
On peut certes négliger ce Grand Texte. Mais si on le garde, que n’a-t-on donc supprimé en lui maints passages, qu’on ne peut tordre à volonté, et qui suscitent bien très souvent, au cœur de celui qui lui donne crédit, l’inquiétude ![1]
Article paru dans Golias Hebdo, 23 août 2012
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