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l y a quelque temps en Allemagne on a proposé aux hommes qui n’étaient pas sûrs s’être les vrais pères de leurs enfants un test de paternité par analyse d’ADN.
Ils devaient frotter l’intérieur de leur joue et celui de leurs enfants avec deux coton-tiges différents et envoyer les échantillons dans un labo spécialisé, qui déterminait en quelques secondes, pour 400 euros environ, si les empreintes génétiques se recoupaient.
Résultat : les soupçons ont été confirmés dans un cas sur cinq. Cela a déclenché des crises familiales, rupture, rejet des enfants, etc. Un vrai faux papa a même exigé d’un tribunal le remboursement de dix-huit ans de pension alimentaire !
Le Bundestag a envisagé alors d’interdire la réalisation de ces tests sans le consentement explicite de la mère. Dans un pays où de très nombreuses femmes, toujours au foyer, dépendent financièrement du père, véritable ou non, de leurs enfants, l’essentiel était de les protéger d’un futur précaire.
Ce m’est ici l’occasion de réfléchir sur ce qu’est la vraie paternité : elle n’est pas biologique, mais fonctionnelle. Le vrai père n’est pas celui qui donne la vie, comme on dit, mais celui qui adopte l’enfant, qui décide de s’en occuper. C’est ce qu’on voit dans le très profond mythe de la naissance virginale de Jésus, tel que le raconte le début de l’évangile de Matthieu. Le vrai père de Jésus est Joseph, parce que d’abord il a fait confiance à Marie quand elle lui a dit qu’elle était enceinte (et tout homme est comme lui face à la même situation, n’ayant aucun moyen d’en savoir le fond), et ensuite parce qu’il a gardé Jésus auprès de lui pour l’élever, le faire grandir.
Voyez aussi Fanny de Marcel Pagnol. À Marius qui veut récupérer son enfant, César répond qu’il est très facile pour un homme de donner la vie, et même très souvent elle lui est prise, en quelques secondes d’inconscience : « Les chiens aussi donnent la vie… » Le vrai père ici est Panisse, qui a épousé Fanny et reconnu l’enfant qu’elle portait en lui donnant son nom. Comme le dit l’adage juridique : Is pater est quem nuptiae demonstrant (Le père est celui que démontre le mariage). Et quand Marius demande impertinemment si le père est « celui qui donne la vie ou celui qui paie des biberons », César répond très profondément : « Le père, c’est celui qui aime. »
Je se sais si les scientifiques s’en rendent compte. Les tests génétiques sont une véritable bombe, qui peut faire exploser bien des couples. Le processus peut aussi servir d’arme redoutable, être instrumentalisé par l’une des parties, si elle est malintentionnée, pour détruire l’autre. On risque de perdre cette qualité si précieuse pour les relations entre les sexes : la confiance.
Laissons donc la biologie où elle est : elle nous ferait régresser à la barbarie, en passant de l’ordre subtil de la culture à celui, élémentaire, de la nature.
Article paru dans Golias Hebdo, 8 avril 2010
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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