Elle peut se faire de façon directe, par apostrophe, prise de parole et désir de convaincre l’autre, ou bien de façon indirecte, comme a entrepris de le faire un prêtre breton, qui propose aux habitants de Poitiers des crêpes au parfum de « bienveillance », préparées dans son camion aménagé en cuisine ambulante. Ce food truck solidaire est appelé Frère Truck. (Source : lepelerin.com, 18/04/2024)
Cette démarche est évidement un signe de la profonde déchristianisation de notre société. Les églises se vident, et on espère lutter contre cette tendance par des expédients inattendus, l’appel à la gourmandise par exemple. On peut sourire ironiquement devant cette initiative, trouver qu’on mélange indûment des rôles et des domaines et qui devraient rester séparés. Et on peut même se scandaliser de cette « profanation ».
Mais je ne le ferai pas, trouvant l’entreprise sympathique. Le prêtre espère qu’à l’occasion des rencontres qu’il fait dans ce cadre une conversation peut s’engager, qui pourra amener son client à passer de la nourriture physique à la nourriture spirituelle, et à entrer un jour dans une église. Il cite un des passages de l’Évangile qu’il affectionne particulièrement : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Matthieu, 11/25)
« Sympathique », ai-je dit. Mais peut-être assez naïve aussi. Qui dit que les clients une fois rassasiés (si succulente soit la crêpe) iront plus loin ? Qu’ils comprendront, pour adapter une parole biblique, que l’homme ne vit pas seulement de crêpes ? C’est il me semble leur faire un grand crédit. L’inappétence de la plupart des gens aujourd’hui pour une quelconque dimension spirituelle à donner à leur vie est très grande. Je dirai même plus : il y a en général un désintérêt très répandu pour les choses de l’esprit. Je le constate dans les conférences que je donne, où les auditeurs veulent bien être nourris dans l’instant comme des oiseaux à qui on donne la becquée, mais ne creusent pas plus avant une fois la réunion terminée. Rares ceux qui après avoir absorbé choisissent de digérer ce qu’ils ont entendu, par la lecture d’un livre par exemple.
Je crois que la cause en est plus la paresse que la malignité. On se dispense de l’effort que demanderait l’approfondissement d’une rencontre, et on peut renoncer alors à voir l’homme de Dieu derrière le vendeur de crêpes. C’est bien dommage.
commenter cet article …