Aux États-Unis une association d’évangélisation, Catholics Answers, propose sur Internet un prêtre virtuel créé par intelligence artificielle chargé de proposer des réponses sur la doctrine catholique. Mais comme ce pseudo-prêtre a proposé d’entendre des internautes en confession, sa figurine a été « rétrogradée » de l’état sacerdotal à l’état laïc. De la sorte il a perdu sur l’écran sa soutane noire et son col romain, pour revêtir un veston et une chemise bleus. (source : lefigaro.fr, 01/05/2024)
Deux remarques me viennent ici. D’abord il est évident qu’une machine est tout à fait capable de donner des réponses en matière de doctrine religieuse. Elle peut consulter une énorme base de données qu’elle a auparavant enregistrée, bien plus même qu’un esprit humain dont la mémoire est limitée. Mais l’encyclopédie des réponses qu’elle propose regarde par nature vers le passé, et non vers l’avenir. Et précisément comme il s’agit de réponses toutes faites à des fins d’apologétique il n’y a pas là d’intelligence. Étymologiquement, l’intelligence consiste pour l’esprit à faire librement un choix, une sélection (inter-legere) entre divers éléments qui se proposent à lui. Dans le cas présent le choix a été déjà fait dans le passé par d’autres. Ce n’est que du « recrachage ». Ou alors il faudrait laisser les questions ouvertes, comme je l’ai fait dans les deux tomes de ma Théologie buissonnière (BoD, 2018). Mais ce n’était évidemment pas le cas ici.
Ensuite, pour la réduction de l’état sacerdotal à l’état laïc, je note le mépris manifesté par l’Institution pour ce dernier état, en regard du privilège accordé au premier. Ce dernier seul est capable d’administrer les sacrements, d’absoudre par exemple lors de la confession, au nom et dans la personne du Christ (in persona Christi). Or cette opération est un processus magique, exactement comme celui de la transsubstantiation eucharistique. Que le crédit soit fait ici à un être de chair et de sang ou à une figure virtuelle ne fait pas à mon avis une grande différence. Par contre on voit bien l’enjeu qu’il y a à réserver l’opération à l’Institution : celui du pouvoir, via le potentiel chantage aux sacrements. Contre ce cléricalisme, on comprend bien ici la position de Luther sur le sacerdoce universel.
Peut-être alors cette création d’intelligence artificielle, en proposant de confesser, s’est-elle retournée contre ses créateurs…
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