L’importance de l’intelligence artificielle (IA), que l’apparition de ChatGPT a rendue évidente, va avoir des conséquences décisives sur le monde du travail. Même on peut se demander si elle est simplement une révolution « industrielle ». Ne serait-ce pas plutôt une révolution « sociétale » ? Quel est en effet l’avenir du travail dans nos sociétés ?
McKinsey vient de publier un rapport décoiffant sur le sujet. Il prévoit que l’IA va faire exploser la productivité. Elle va avoir un impact majeur sur toutes les industries, de la banque à la santé en passant par la technologie. « L’Intelligence générative va permettre d’automatiser à hauteur de 60 à 70% des tâches qui occupent les employés aujourd’hui. »
La nouveauté, c’est que cette révolution, contrairement aux autres, ne créée pas de nouveaux emplois, ou seulement à la marge. Elle remplace les emplois. McKinsey écrit pudiquement qu’il faudra « soutenir les travailleurs » pour qu’ils changent de jobs ou d’activité.
Le seul aspect positif est que c’est la première révolution qui ne touche pas les classes les plus défavorisées : les « low cost jobs » ne sont pas remplaçables par l’IA, ils pourraient même être revalorisés, ce qui serait une excellente chose, car la réalité humaine dans toute son épaisseur et sa dimension y est vraiment affrontée.
Mais pour les autres, à part les activités et métiers de haute créativité inaccessibles à l’IA, le spectre du chômage menace. On dira que c’est un bien, que les nouvelles générations s’éloignent de la surconsommation par égard pour la planète, et récusent le « travailler plus pour gagner plus ». En quoi cela tombe bien : de toute façon on ne pourra pas travailler « plus ».
Pourtant je ne suis pas si optimiste, si grand est le souci des hommes de remplir leur vie par le travail. Beaucoup verront venir la perspective de l’ennui. Trouveront-ils des hobbies pour se distraire ? Et il faudra que les couples soient bien soudés, pour survivre à une cohabitation de plus en plus grande.
Au fond, ce travail s’éloignant de plus en plus de l’horizon, une obligation s’effaçant où l’on a pu voir une aliénation, il importe que l’homme qui va maintenant en être progressivement libéré en tire leçon : qu’il cesse de se fuir, accepte de faire retour sur lui-même, et soit capable de voir ce qui compte vraiment pour lui, où résident ses vraies richesses.
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