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elle de l’État en matière de religions est chez nous un principe essentiel depuis la séparation de 1905. Autrement dit, son rôle n’est pas d’organiser et d’institutionnaliser leur expression publique, mais simplement de la garantir, sans aucune préférence pour l’une ou l’autre d’entre elles, en respectant de la même façon ceux qui ne se réclament d’aucune d’elles, et aussi de permettre de s’exprimer à ceux qui manifestent leur désaccord avec elles toutes.
C’est à quoi j’ai pensé en voyant les politiques s’agiter autour de la question d’un éventuel nouveau « Concordat » spécifique que l’État pourrait passer avec telle religion particulière, dont on pense qu’elle pourrait favoriser le terrorisme.
Bien sûr, c’est l’émotion, tout à fait légitime au demeurant, causée par les derniers attentats et actes de violence auxquels nous venons d’assister, qui est à la base de cette idée. Il reste qu’elle est tout à fait contraire à notre tradition actuelle de laïcité, qu’il serait à mon avis extrêmement dangereux d’abandonner.
Qui ne voit que dans cette brèche pourraient s’engouffrer les différents courants religieux traditionnels pour réclamer le rétablissement d’un « Concordat », c’est-à-dire un statut privilégié abandonné depuis plus d’un siècle ? La porte serait ouverte à un nouveau communautarisme, et ferait éclater la cohésion nationale basée sur la neutralité de la Puissance publique, garantissant l’égalité absolue entre les citoyens, athées compris, et la liberté de conscience de chacun. Que l’État se contente donc d’assurer leur sécurité inconditionnelle, et n’intervienne pas plus avant !
On n’a pas besoin de religions officiellement reconnues et légitimées. À cet égard, je trouve choquant que l’État ne veuille dialoguer qu’avec leurs représentants traditionnels, comme s’ils étaient seuls représentants de ce que pensent nos concitoyens. Où est le dialogue avec les agnostiques, et les athées déclarés, qui sont dans notre pays majoritaires en nombre ? Pourquoi telle instance religieuse serait-elle privilégiée ?
Le malheureux prêtre récemment égorgé n’a pas à bénéficier d’un statut particulier, sous prétexte qu’il relève d’une certaine sacralité : il n’a pas plus d’importance que tel ou tel malheureux passant victime de l’attentat niçois. Ils sont tous deux victimes d’une même barbarie, à laquelle seule l’État doit livrer son combat.
Je ne suis pas contre le dialogue, mais s’il y en a un, il doit se faire avec tous. Je sais bien aussi faire la différence entre laïcité et laïcisme, je sais tout l’héritage culturel et artistique que nous devons aux religions. Mais je sais aussi leurs méfaits passés. Quand se résoudra-t-on à y voir simplement le patrimoine intérieur, spirituel de chacun, le respecter en tant que tel, une fois décanté et approprié, mais se consacrer dans l’espace public à la seule tâche qui convienne : la protection de tous les citoyens, sans exception ?
Article paru dans Golias Hebdo, 1e septembre 2016
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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