Tous les hommes, dit Aristote au début de sa Métaphysique, sont poussés par la nature par le désir de savoir. Eh bien, révérence gardée envers ce grand philosophe, je pense qu’il a pu, disant cela, se tromper.
En cette période d’élections législatives, on constate que l’électorat de tel parti en passe de triompher est totalement fermé à toute réflexion rationnelle, par exemple quand on examine avec lui le programme qu’il soutient par son vote. On a beau lui montrer les inconvénients qui pourraient en résulter sur le plan économique, et pour cela faire appel aux avertissements les plus autorisés de la part des experts les plus compétents, rien n’y fait. La rationalité n’a aucune prise sur lui, parce qu’il refuse d’en adopter le point de vue. Il se mure dans son attitude de déni. Mieux, plus on essaie de le raisonner, plus il s’obstine dans sa posture, au point que l’absence de discussion peut sembler préférable pour éviter qu’il ne croisse encore en nombre.
Ce qui est en jeu ici est la submersion de la raison par la passion. Que peut la première face à la seconde ? L’affectivité emporte tout, comme un torrent qui déborde et noie toute réflexion. L’entêtement fait le reste, hostile à toute contradiction. Comme si mettre en question une pensée revenait à déposséder celui qui la nourrit de son être même.
Il faudrait bien sûr en toute circonstance faire preuve de ce que les spécialistes appellent la métacognition, la capacité de pendre sa distance avec ce que l’on pense, à réfléchir sur ses propres processus mentaux, en somme : penser sur ses propres pensées. Ce retrait permet d’éviter la tyrannie de l’affect, qui opère toujours dans l’immédiateté. Beaucoup pourraient en tirer profit, outre les partisans aveuglés de tel parti politique : les relayeurs de fake news sur Internet par exemple, ou bien les complotistes, arc-boutés sur leurs certitudes, les religieux fondamentalistes, etc. Mais non, comme dit La Fontaine : « Chacun tourne en réalités / Autant qu’il peut ses propres songes / Il est de glace aux vérités / Il est de feu pour les mensonges. »
Peut-être alors peut-on répondre à Aristote : Tous les hommes sont poussés par la nature par le désir de croire. Et l’on sait combien est dangereuse une croyance, ou une foi dépourvue de doute. Il y a une très profonde parole, salvatrice, à cet égard : « Je crois, viens en aide à mon manque de foi ! » (Marc 9/24)
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