Nous devons ce mot et ce qu’il désigne au sociologue allemand Norbert Elias, auteur notamment de La Civilisation des mœurs. Inhérente au processus de civilisation lui-même, la décivilisation se nourrit des frustrations que ce processus engendre, jusqu’à provoquer une explosion et un ensauvagement, un retour à la barbarie que ce processus même prétendait contrôler. Freud avait déjà pointé cela dans son ouvrage Malaise dans la civilisation.
On pourrait se contenter de décrire ce phénomène de décomposition à la simple échelle des populations, mais il me semble intéressant de le voir à l’œuvre chez les gouvernants eux-mêmes. On ne sait trop alors si ces derniers subissent l’influence de l’air du temps, ou bien si au contraire ils le modèlent et l’alimentent par leur comportement. Sans doute les deux à la fois.
C’est visible par exemple en ce qui concerne les USA. Leur référence nationale est à chercher dans leur épopée du Far West. On sait comment fonctionne le Western traditionnel : maints films montrent comment la Loi et l’Ordre finissent par remplacer le désordre et l’anarchie, la loi de la Jungle qui caractérisait le monde des Débuts. La société états-unienne s’était fondée sur ces bases, éminemment civilisatrices.
Eh bien, j’ai employé le passé, car c’est ce qui est en train de s’effondrer sous nos yeux avec l’actuel président. Il n’a cure d’aucune considération morale, il ne prend en compte que ses intérêts. Les engagements éthiques que son pays avait pris avant lui sont nuls et non avenus à ses yeux. Il ne voit aucun empêchement à s’entendre directement avec l’agresseur d’un pays souverain, et à l’exonérer ainsi de la réprobation des pays civilisés. Il confond toujours art de la négociation et chantage. Aucune pudeur élémentaire ne le retient, quand il rêve de construire, à Gaza, des hôtels de luxe sur les cadavres, et à déporter les survivants. On est bien loin de l’héritage d’Antigone par exemple, pour qui étaient sacrés les honneurs dus aux disparus. Engagé dans cette voie, je gage que le président ne verrait pas d’objection, s’il y trouvait un quelconque intérêt, à construire des résidences de luxe à Auschwitz.
C’est évidemment ainsi revenir au chaos initial, à cet état de guerre permanente qui précède le processus civilisateur. Et qui maintenant, on le voit, lui succède. Et le pire avec un candidat, paraît-il, au prix Nobel de la paix !
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