Elle a marqué beaucoup de positions du défunt pape François. Ainsi l’appui inconditionnel qu’il a toujours porté aux migrants. Ce faisant il se situait, par exemple, dans le droit fil de l’épisode évangélique du Bon Samaritain. L’intention évidemment était belle et louable, même si le président français a rappelé à ce propos et au nom du réalisme la phrase de Michel Rocard, selon laquelle un pays ne peut pas accueillir toute la misère du monde. [lien]
En fait la voix de François en la matière était celle d’un prophète. On sait que ce dernier a toujours mission de réveiller les consciences assoupies. Contre la tiédeur et la fossilisation où peut mener l’observation machinale de la Loi, la voix prophétique a une fonction d’aiguillon. Elle fait entendre ce que peut être une morale ouverte, par opposition à la morale close des sociétés figées : Bergson a bien montré cela dans Les Deux sources de la morale et de la religion.
Mais la radicalité prophétique se heurte souvent à la nécessité d’une réflexion plus nuancée sur des cas concrets. Le cas de la guerre est typique à cet égard. On sait que François était partisan d’un pacifisme complet. Sa réaction sur l’Ukraine, qu’il a conviée à dresser le drapeau blanc de la capitulation face à l’agression russe, le montre bien. Je ne sais s’il a voulu en l’espèce ménager le patriarche orthodoxe Kyril, ami de Poutine. Je préfère penser qu’à ses yeux il n’existait pas de guerres justes, dont le seul but est de se défendre. C’est pourtant le cas de ce conflit.
C’est le propre du prophète que de maximaliser la position qu’il défend, pour persuader la foule qui l’écoute d’un changement possible par rapport à ce qu’elle connaît. Bien sûr on a besoin de lui, quand l’écoute de la seule raison est décourageante. Mais cela ne dispense pas, ensuite ou à côté, d’ouvrir les yeux.
Voyez ce que dit Isaïe : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. » (11/6) Cette très belle maxime dessine simplement un horizon, trace un espoir : un jour viendra où il n’y aura plus de guerre. Qu’on en ait besoin comme d’un réconfort pour le présent, soit. Mais il est difficile de l’appliquer à l’analyse d’un vrai conflit. Peut-être le loup dormira-t-il avec l’agneau, mais cette nuit là l’agneau ne dormira pas beaucoup…
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