On sait celle qui circule à propos de l’épouse de notre Président, dont on dit qu’elle n’a pas toujours été une femme. C’est un cas entre des milliers, où les fausses nouvelles (fake news) inondent Internet et les réseaux sociaux. Amplifiées par les algorithmes des plateformes et leur effet de « boule de neige », bénéficiant du courageux anonymat de leurs promoteurs et diffuseurs, il semble qu’elles soient véritablement indestructibles. Avec Internet, on peut « traîner des casseroles » toute sa vie.
La rumeur en effet s’y répand plus vite et plus amplement que dans le cas du seul bouche-à-oreille d’autrefois, tel que Beaumarchais l’a décrit par la bouche de Bazile dans son Barbier de Séville (II/8). On y voit le fond de malignité inhérent à la nature humaine. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! ». Voyez aussi l’affreux dicton : « Il n’y a pas de fumée sans feu. »Tout cela alimente la crédulité, autorise le harcèlement numérique, voire le lynchage par effet de meute, et nourrit le complotisme de tous bords.
Dans l’acharnement contre le couple présidentiel il y a le ressentiment anti-élites. On ne réfléchit pas ici que, si fondés que soient nos griefs, il y a une sorte de haine qui nous met au-dessous de ce que nous haïssons. Alors on incrimine et cloue au pilori la personne objet de la détestation, en la sommant de se justifier. C’est une inversion de la charge de la preuve. Normalement c’est à l’accusateur de prouver ce qu’il avance, et non pas à l’accusé de s’en défendre. Cela fait remonter au Moyen Âge et aux ordalies. Mais ce retour inquisitorial a du succès aux États-Unis, où on invite Madame Macron à prouver qu’elle est une femme en produisant son ADN. Bref on transforme la victime en coupable potentielle qui n’a qu’à se défendre. C’est la règle maintenant sur Internet.
Tout cela au nom de la liberté d’expression (free speech), dont se gargarisent maintenant, un peu partout sur la surface de la planète, tous les libertariens d’inspiration. En fait cela prédit la mort de la démocratie, qui est d’ailleurs leur objectif. Par un tragique paradoxe, cette même et essentielle liberté qu’elle a promue, par oubli de son nécessaire contrôle se retourne contre elle. Quand plus rien de vrai n’existe, quand triomphe le chaos, la seule possibilité est de se ranger à la loi de la force, l’autoritarisme aveugle étant l’arme ultime des puissants.
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Michel Théron