... Ce culte exclusif de l’effort renvoie à un aspect essentiel de la morale religieuse. Elle repose en effet sur un lien : religio est alors renvoyé à religare, relier. Il se manifeste par un contrat de nature synallagmatique (fondé sur un échange réciproque) passé avec Dieu, sur un donnant-donnant, un Do ut des : je te donne pour que tu me donnes. Je te donne mon obéissance, et en retour tu me récompenses. Inversement si je te désobéis, tu es fondé à me punir. C’est ce contrat, ou Alliance (Adligatio), qui fut initialement passé entre Dieu et Moïse sur le Mont Sinaï. Dans le lien et l’échange qu’il implique on espère toujours un gain : ainsi dans ce contexte on peut voir que telle morale qui prétend faire abstraction de soi au bénéfice d’autrui est peut-être moins désintéressée qu’il y paraît. Cette vision, comme dans le cas du « pari » de Pascal, est par bien des côtés celle d’un Dieu d’épicerie.
Notez cependant qu’une autre étymologie est possible de ce mot de religion, et aussi une autre vision de cette dernière. Tandis que les auteurs chrétiens (Lactance, Tertullien) ramènent religio à religare, relier, d’autres auteurs antiques (Aulu-Gelle et surtout le grand Cicéron, ce qui n’est pas rien) rattachent ce mot à relegere, accueillir respectueusement et relire au fond de soi certaines vérités essentielles pour vivre. Cette dernière vision, qui fait davantage crédit à l’homme lui-même et à sa capacité d’examen, d’auto-exploration, est plus proche de la sagesse, plus à hauteur d’homme ...
commenter cet article …