Il m’est venu la curiosité de relire la Seconde Épître aux Corinthiens, et un passage m’a fait sursauter : « Nous faisons captive toute pensée pour l’amener à obéir au Christ. » (10/5) Voilà, me suis-je dit, la marque d’un esprit totalitaire, qui veut asservir en l’homme ce qu’il a de plus intime et de plus précieux, cela même qui le constitue en tant qu’homme, sa pensée, si faible soit-il par ailleurs (« roseau pensant », disait Pascal).
Dans 1984 d’Orwell on voit la même orientation, qui aboutit à la création d’une police de la pensée. Les esclaves de Big Brother, sous peine de punition, doivent se censurer eux-mêmes, pratiquer la restriction mentale, y voir un mérite, et ainsi adhérer à la falsification du vocabulaire qui est devenue la norme.
Il me souvient d’un passage du catéchisme pénitentiel de mon enfance. On devait s’accuser d’avoir péché « en pensée, en parole, par action, et par omission ». Cette formulation (est-elle encore en vigueur ?) m’avait traumatisé, et sans doute n’étais-je pas le seul. À la rigueur, je pouvais comprendre les trois derniers mots, car parole, action, et omission pour une part, dépendent bien de nous, mais en aucun cas le premier. Nous ne sommes pas libres en effet de nos pensées : elles viennent en nous, sans nous, et souvent malgré nous. Comment peut-on en être responsable ? On ne l’est d’une chose, comme aussi coupable, que si on est libre de l’accomplir ou non.
Si l’on veut amener quelqu’un à ce qu’on pense soi-même, il faut situer le débat dans un dialogue libre, argumenter de pensée à pensée, et non pas d’emblée « faire captive » la pensée de l’autre. Or le propos de Paul n’est pas d’échanger d’abord avec lui, mais immédiatement de l’« amener » à celui qu’il prêche après l’avoir construit (« Christ » en l’occurrence).
On dira que le texte de l’Apôtre doit être contextualisé par les nécessités ou il était de convertir les gens. Mais je viens de voir ce texte encore repris tel quel, sans contexte historique, dans un journal évangélique. Preuve que l’orientation qu’il défend est encore actuelle pour ceux qui se sentent en mission.
Au reste, que se passera-t-il pour ceux qui ne voudront pas obéir ? Simplement la punition, comme dit la suite du texte susdit : « Et nous nous tenons prêts à punir toute désobéissance dès que votre obéissance sera totale. » (10/6) La menace affleure, et il n’est pas seulement question ici que de mots...
***
Ce texte paraîtra d'abord dans le journal Golias Hebdo, puis sera publié en volume. D'autres textes comparables figurent dans l'ouvrage suivant, premier tome d'une collection, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Le livre est aussi disponible sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.
15,00€Livre papier
Lire un extrait
DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils ont cependant un contenu intemporel, et se prêtent toujours à une réflexion philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
Pour voir l'ensemble des volumes parus dans cette collection, cliquer ici.
***
Pour voir la liste de tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.
***
Enfin n'hésitez pas à visiter mon blog artistique, pour voir des photos, des vidéos, des textes littéraires et poétiques :
commenter cet article …