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e l’ai toujours considérée comme un insecte sympathique, inséparable de mon cher Midi natal.
Apparemment tous ne sont pas de mon avis, puisqu’à Beausset (Var) des touristes se sont plaints du bruit qu’elles faisaient. Voici ce que rapporte le maire de la commune : « Ils m’ont demandé : Est-ce que vous avez des produits insecticides pour passer sur les arbres ? Comment se débarrasser des cigales ? Elles font ‘crac-crac-crac’… Ça n’a rien à voir avec un chant. » L’élu, qui a refusé de les aider, ajoute que les cinq touristes en majorité issus de la région parisienne ont ensuite arrosé les arbres dans une tentative désespérée de faire taire les cigales. (Source : Francetvinfo.fr, 21/08/2018)
On savait déjà que les cloches faisaient trop de bruit, puisque perturbant la grasse matinée des vacanciers en Lozère, au point que certains s’en sont plaints là encore au maire de la commune, et ont déposé plainte auprès de leur Agence immobilière pour omission de leur signalement dans leur contrat de location (Source : Midilibre.fr, 08/08/2018).
Je suis sûr que d’autres maintenant vont se plaindre à la campagne du chant du coq le matin, ou du bruit des grenouilles la nuit, etc. Mais sont-ils aussi insupportables que le bruit de la circulation que doivent subir à longueur d’année les touristes venus de Paris ?
Voyez le cas remarquable du fameux coq Maurice, accusé de réveiller les voisins, qui fait l’objet d’un feuilleton judiciaire à rallonge [v. Antispécisme].
Bref l’homme moderne n’admet aucun désagrément quel qu’il soit : il se comporte comme un petit tyran capricieux et égocentrique. Je pense à ce Señorito satisfait, ce « fils de famille » à qui tout est dû dont parle Ortega y Gasset dans sa Révolte des masses. Au fond de tout cela il y a une dénégation du destinal, de toute idée de limite, de tout déterminisme infrangible, à commencer par celui de la géographie. C’est typique de notre modernité.
Je vais donc laisser où ils sont ces touristes réboussiers, et penser avec nostalgie à mes chères cigales, qu’il est d’ailleurs si dur d’abandonner, et je me répéterai la chanson d’Alibert et de Tino Rossi :
« Adieu Venise provençale
Adieu pays de mes amours
Adieu cigalons et cigales
Dans les grands pins chantez toujours... »
Article paru dans Golias Hebdo, 13 septembre 2018
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