Étymologiquement ce mot signifie séparé, mis à part. J’y ai repensé en réfléchissant à l’omerta qui a entouré, de la part des victimes et de leurs proches, les crimes sexuels causés par les différents ministres de l’Église catholique.
Le personnage du prêtre est une figure sacrale. S’autorisant de l’exemple du Christ, censé (à tort pourtant) avoir fondé l’Église, il agit en sa personne, in persona Christi, par exemple lorsqu’il administre les sacrements. Il a le pouvoir exorbitant d’absoudre les péchés lors du sacrement de pénitence : « Moi, je t’absous... » (Ego te absolvo...). Le pouvoir aussi d’opérer le miracle de la transsubstantiation dans le rite de l’eucharistie : dès lors qu’il prononce les paroles sacramentelles, le pain et le vin sur l’autel se changent en corps et sang du Sauveur. L’épiclèse même, l’appel à l’Esprit-Saint pour valider la consécration, n’a été que récemment introduite, et n’est pas conçue de la même façon en catholicisme où il s’agit de conforter les paroles de l’officiant, et en orthodoxie où cet appel est fait au nom de la communauté. L’assistance est invitée à baisser la tête devant le Mystère de la foi (Mysterium fidei) dont le prêtre est par délégation à la fois le célébrant et l’acteur qui le fait advenir. Comment s’étonner que ces pouvoirs miraculeux n’impressionnent pas, comme on dit, l’âme des fidèles ?
Si donc les crimes sexuels dont certains clercs se sont rendus coupables n’ont pas été dénoncés, c’est que ces derniers bénéficiaient, de la part de leurs ouailles (petites brebis), d’une projection aveuglée qui les en excusait.
Il suit de là que pour éviter que de tels crimes se reproduisent à l’avenir, il faut supprimer cette projection. Et il ne suffira pas de permettre aux prêtres de se marier, par exemple, pour les rapprocher de la normalité. Il faudra redéfinir le rôle fonctionnel du prêtre. Il ne doit plus être le gestionnaire du sacré qu’il est dans l’administration des sacrements et la célébration du sacrifice eucharistique. Ces tâches doivent être vues non pas comme des thaumaturgies, des processus magiques, mais comme des actes symboliques, à la manière par exemple dont les protestants voient la liturgie eucharistique.
Que le prêtre tenté de se prendre pour Dieu lui-même prenne modèle sur le pasteur, qui dirait en « confession » non pas « Je t’absous », mais « Que Dieu te pardonne ! » Cette position me semble à la fois plus modeste et plus digne.
Mais l’Église est-elle prête à ainsi se protestantifier ? J’en doute. Et l’excommunication de Luther, à ma connaissance, n’a pas été encore levée.
Finalement, si le sacré est une expérience essentielle que chacun peut faire dans sa vie, et qu’a bien décrite Rudolph Otto dans le livre qui porte ce nom, il est très dangereux de le laisser gérer et bien souvent instrumentaliser par d’autres que soi.
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