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lle n’est pas toujours raison, car elle doit se baser sur une vraie analogie de fond, et non sur une ressemblance formelle.
Je viens de penser à cette règle en lisant çà et là des comparaisons suivies entre un chanteur et danseur pop récemment décédé* et la figure de Jésus-Christ.
Une chose est de faire se trémousser en cadence sur des musiques répétitives, et une autre de faire réfléchir par un vrai enseignement invitant à l’introspection. Même un slogan aussi simpliste que le We are the world, we are the children ! ne fait pas il me semble un vrai prophète de celui qui le chante et l’impose au monde entier par simple contagion émotionnelle.
Le refus de grandir même, le fameux complexe de Peter Pan, n’a rien à voir avec le choix évangélique des petits enfants : dire le contraire, c’est confondre l’enfant spirituel, que l’Évangile appelle de ses vœux, et l’enfant infantile, qu’il condamne.
Sinon on ne peut comprendre que Jésus à la fois fasse l’éloge des petits enfants à qui appartient le royaume, et condamne radicalement la nostalgie, le désir de régression : « Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas propre au royaume de Dieu. » (Luc 9/62). [v. Nostalgie]
Notre idole est restée dans l’infantilisme, et ses fans aussi y demeureront, tant que l’émotion au cœur des hommes l’emportera sur la réflexion. Nul doute qu’un culte va s’établir là-dessus, comme naguère sur la mort d’Elvis Presley.
... De toute façon, nous dit-on aujourd’hui, l’important est de faire rêver, et on déplore que le christianisme lui-même ne le fasse plus. Mais il est très facile de le faire : n’importe quelle star du show-biz ou du foot, dont le salaire est une insulte au spectateur moyen qui la fait vivre par sa dévotion, peut aussi « faire rêver ». Ce qui compte, ce n’est pas le rêve, mais le contenu du rêve.
... Appelons donc de nos vœux, non pas un retour de la religion vue comme un lien ou une liaison (religare), qui dans sa modalité horizontale (notre rapport aux autres) peut si elle n’est pas bien gérée nous arracher à nous-mêmes en nous fondant aveuglément dans un groupe, mais de la religion comprise comme relecture ou recueillement, accueil de l’Essentiel en soi (relegere), qui nous fait d’abord nous découvrir nous-mêmes avant d’aller vers les autres : ce n’est pas en dansant que nous le pourrons.[1]
* Michael Jackson
Article paru dans Golias Hebdo, 16 juillet 2009
[1] Ces deux façons de voir la religion sont illustrées dans mon ouvrage La Source intérieure, éd. BoD, 2017.
![D.R.](https://image.over-blog.com/e21CH8PqKJBi-LAwo_STFkz9sWY=/filters:no_upscale()/image%2F1454908%2F20220917%2Fob_a6a8c6_michael-jackson-1194269-960-720.png)
Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer : ici.
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