Les festivités de Noël qui viennent de se dérouler m’invitent à réfléchir sur le visage qu’elles prennent depuis pas mal d’années, celui d’un rituel formaliste pur, que l’on observe apparemment par suivisme grégaire.

D’abord la signification de Noël, qui est religieuse, apparaît ignorée de beaucoup de nos contemporains. On n’y voit plus la naissance d’un Sauveur sur la paille, ou l’incarnation du Verbe divin : c’est simplement l’occasion de fréquenter les magasins et de se réunir autour d’un bon repas. Le signe de la fête reste, mais sans sa signification.

D’autre part, beaucoup disent à l’avance, comme je l’ai entendu à la radio la veille même de Noël, le déroulement de cette réunion. On va se goinfrer, et donc se rendre malade les jours suivants, et aussi on va se disputer. C’est inévitable d’ailleurs, la réunion se faisant en famille, c’est-à-dire entre personnes qui n’ont pas forcément d’affinités naturelles. C’est différent d’une vraie réunion conviviale, qui se fait entre amis. Ces derniers sont choisis, tandis que la famille est imposée. Comme disait l’abbé Delille : « Le sort fait les parents, le choix fait les amis. » L’étrange en tout cas est que les problèmes inhérents aux réunions de famille soient précisément prévus et formulés, et qu’on s’y rende quand même. Et aussi comment on traite de rabat-joies ou d’asociaux ceux qui refusent de se plier à cet usage.

Le comble cependant est l’usage qui se répand et s’accentue depuis quelques années de revendre sur Internet, le lendemain de Noël, les cadeaux que l’on a reçus la veille. Cela montre que l’offrande du cadeau est vidée par celui qui le reçoit de toute signification affective, car sinon évidemment il ne s’en débarrasserait pas aussi vite. J’imagine alors le chagrin de celui qui offre de voir ainsi son offrande méprisée, s’il vient à le savoir.

« La lettre tue, et l’esprit vivifie. » L’Apôtre serait sûrement horrifié, à voir comment on observe la lettre, que l’on vide de son esprit.

... J’invite quand même mon lecteur à me pardonner si j’ai ici forcé le trait. Mais la caricature est parfois plus parlante que la photographie. – Meilleurs vœux pour la nouvelle année !