On l’associe souvent, pour la critiquer, à stéréotypie, machinalité, action-réflexe. Et on peut alors lui opposer la réflexion, seule à même d’offrir une porte de sortie dans une situation difficile à vivre. C’est à quoi j’ai pensé en voyant, le mardi 28 mars au soir, sur Arte, l’émission Les Camps, secret du pouvoir chinois. On y rappelait que le père de Xi Jinping avait été lui-même une victime des purges de Mao. On aurait pu penser alors que le fils aurait dû se dire : « Plus jamais ça ! » Et qu’il aurait adopté, une fois arrivé au pouvoir, une politique au rebours de celle qui avait causé la disgrâce de son père.
Mais non : il n’a fait qu’amplifier le régime dictatorial de Mao, en reprenant les camps initiés par ce dernier, et en y ajoutant la surveillance électronique de tous les citoyens, qui fait de son pays une gigantesque prison. En somme, il a choisi de faire perdurer en l'aggravant le régime même qui aurait dû au contraire le faire s’interroger, vu le mal qui lui en était advenu.
Comment cela s’explique-t-il ? Réflexe instinctif de revanche ? Aveuglement sur la chose même ? Perversion ? En tout cas, le mal pourra toujours exister, si aucune réflexion n’est là pour le mettre en question. Pareillement, on sait que beaucoup de victimes de maltraitance parentale deviennent à leur tour des parents maltraitants. Comme si ce qu’ils ont connu leur apparaissait tout à fait normal, et leur donnait caution pour le reproduire. Le mal, disait justement Hannah Arendt, est absence de pensée.
Il est difficile de comprendre la non-violence chrétienne (ne pas résister au méchant, tendre l’autre joue !) si on n’y voit pas symboliquement un désir de faire réfléchir l’agresseur, qui s’attend de toute façon à une riposte instinctive à ce qui vient d’être subi. Le but est la déstabilisation, la porte laissée ouverte à un scénario autre que celui qui est attendu. La réflexion peut alors remplacer le réflexe. Et l’on sort alors du cercle infernal de la répétition du Même.
Calliclès dans le Gorgias de Platon n’en sort pas. À Socrate qui vient de lui dire qu’il vaut mieux subir l’injustice que la commettre, il répond : « Un homme comme toi, on peut le souffleter impunément. » Son horizon n’a pas été élargi, il en est resté à l’élémentaire de la riposte, qui alimente sans fin la violence immémoriale. Comme sans doute le premier dirigeant chinois – et comme bien d’autres encor...
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