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ous en sommes le cousin, depuis les découvertes de Darwin, et malgré ce qu’en disent encore les fondamentalistes bibliques. Les plus proches de nous sont les chimpanzés et les bonobos, qui sont eux-mêmes très proches morphologiquement les uns des autres. Mais non pas quant à leur comportement, et c’est ce qui m’occupe ici.
J’ai en effet vu récemment, les concernant, une émission documentaire passant sur Arte, qui analysait la structure sociale des deux groupes, et leurs façons respectives de se conduire.
Les chimpanzés sont patriarcaux, accordent une importance prédominante au statut social, et règlent les conflits surgissant entre eux par la violence.
Les bonobos au contraire, matriarcaux, ne manifestent pas d’agressivité, et gèrent les mêmes conflits en les apaisant au moyen de l’acte sexuel. La tension y est résolue tout simplement par l’orgasme, qui une fois connu ne donne pas envie ensuite d’aller étriper son voisin.
Entre les deux modes d’être il me semble qu’on ne peut hésiter : mieux vaut faire l’amour que la guerre. Trop de rétention sexuelle mène à une frustration de l’individu, qui ne peut générer que la violence. Comme disait l’adage latin : Semen retentum venenum est – La rétention de la semence est un poison. Les bonobos y échappent donc, mais non les chimpanzés.
L’opposition du patriarcat et du matriarcat est aussi très significative. Traditionnellement, on dit que l’esprit de compétition, le désir de s’affirmer, et évidemment parfois par le combat, est transmis par le père. Cela peut aboutir à la destruction de l’autre. Au contraire, la mère incarne l’accueil inconditionnel, dont ferait partie pour chacun non pas la défense jalouse et acharnée de son propre corps, mais son don libéral, l’échange avec l’autre.
Si maintenant on songe qu’il y a des religions patriarcales, et au premier chef les trois religions abrahamiques (judaïsme, christianisme, et islam), on peut en tirer la conclusion qu’elles sont potentiellement plus violentes que les religions matriarcales.
Il y a bien sûr des exceptions : certaines paroles de Jésus par exemple sont bien « féminines » d’inspiration. Et il y a même un Jésus « mère-poule », abritant ses poussins sous ses ailes (Matthieu 23/37 ; Luc 13/34).
Les religions patriarcales séparent l’homme de ses instincts profonds. Le Père y incarne la Loi, via la Parole, dont la fonction est précisément la séparation d’avec les pulsions. Il est absurde de les récuser en bloc. Mais quand elles ont montré leurs limites, on comprend qu’on puisse se tourner vers les religions de la « Grande Mère », qui ne poussent pas l’homme à agir pour s’affirmer, mais à être en harmonie avec les grands rythmes du monde, dont l’exercice de la sexualité est une manifestation majeure.
Article paru dans Golias Hebdo, 24 avril 2014
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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