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propos de la séparation des enfants et des parents entrés illégalement aux États-Unis, qui a soulevé l’indignation, le ministre de la Justice Jeff Sessions a déclaré :
« Entrer illégalement aux États-Unis est un délit (...) Et avoir des enfants ne vous protège pas ». Et il a ajouté, citant la Bible : « Je pourrais vous renvoyer à l’apôtre Paul et à son commandement clair et sage (...) qu’il faut obéir aux lois du gouvernement car Dieu les a décrétées afin d’assurer l’ordre. » (Source : Francetvinfo, 15/06/2018)
Le passage en question se trouve dans l’Épître aux Romains : « Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. » (13/1-2)
Selon l’Apôtre, toute autorité se justifie par son origine divine, et pour cette raison, il faut s’y soumettre aveuglément. Ce conservatisme de principe peut évidemment, comme dans l’exemple états-unien susmentionné, être instrumentalisé, pour exiger l’obéissance du peuple.
De fait, Paul justifie toujours le bras armé du gouvernement : « Ce n’est pas pour rien que le magistrat porte l’épée, puisqu’il est serviteur de Dieu pour manifester sa colère en punissant celui qui fait le mal. » (ibid., 13/4) Tous les délires personnels peuvent alors s’autoriser de tels passages. Combien de fous dans l’histoire se sont pris pour le bras armé de Dieu ! Je pense au film Aguirre, ou la colère de Dieu, de Werner Herzog. Ou encore à Savonarole incarnant cette même colère face aux Florentins, etc.
Alors qu’au contraire Jésus a selon le texte évangélique bien séparé César et Dieu (« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » : Matthieu 22/21 ; Marc 12/17 ; Luc 20/25), Paul ici voit dans César l’image de Dieu. C’est non seulement conservatisme, mais encore idolâtrie vis-à-vis du Pouvoir. Et on ne comprend pas pourquoi cette Bible qu’on prétend inerrante et sur laquelle on prête parfois encore serment peut contenir de si dangereux passages.
Article paru dans Golias Hebdo, 12 juillet 2018
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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