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ai récemment relu les paroles du Credo, aussi bien dans sa version du Symbole des Apôtres, que dans celle de Nicée-Constantinople, et j’ai été frappé du fait que n’y figure en aucune façon ce que Jésus a enseigné durant sa vie.
On n’y mentionne que sa naissance, sa passion, sa mort, sa résurrection, et l’attente de son retour futur, sa parousie, avec le Jugement corrélatif. Mais sur tout ce qu’il a pu dire pendant son magistère, même réduit à trois ans, il y a un silence complet, que je trouve bien singulier.
Y réfléchissant, je pense que c’est tout simplement la construction paulinienne qui sous-tend le Credo, et Paul n’était pas intéressé par l’enseignement de Jésus, qu’il ne cite pratiquement jamais.
Il a construit un scénario du sacrifice rédempteur du Messie, emprunté pour une partie au chapitre 53 d’Isaïe sur le « Serviteur souffrant », qu’il a interprété à sa manière, bien différente de celle des juifs (qui ne voient dans ce passage qu’une allégorie des épreuves subies par Israël) – et en partie aux cultes à mystères païens très répandus à l’époque, où un dieu meurt et ressuscite pour le salut de ses fidèles.
Cette construction est à la base du christianisme majoritaire, dont Paul est le créateur, et c’est donc naturellement qu’elle se retrouve dans le Credo.
Je trouve dommage qu’elle puisse faire oublier ce qu’a pu être l’enseignement même de Jésus. Certes je comprends bien qu’elle puisse émouvoir profondément les foules, qui ressentiront toujours une grande empathie pour un Messie crucifié. Mais enfin Jésus s’y trouve en quelque façon instrumentalisé, jusqu’à sa divinisation finale même, dont on peut juger qu’il n’eût pas voulu. Ainsi le Fils de Dieu est-il devenu Dieu le Fils, et notre Enseigneur, Notre Seigneur.
Quant au storytelling paulinien, il nous touche beaucoup certes, mais ne nous éclaire pas beaucoup sur la façon dont nous devons vivre dès ici-bas. Et pire, il peut mener, par l’imitation qu’il peut nous proposer, à faire, à l’image du « message de la croix » (1 Corinthiens 1/18), une croix sur notre vie même.
Bref, je préfère quant à moi le Christ enseignant qui nous sauve, au Christ qui nous sauve en saignant. Il me semble que l’accès à Jésus se fait mieux par ses paroles, que par une construction mythologique, si touchante soit-elle.
Un homme se connaît par ce qu’il a dit, plutôt que par ce qu’on nous a dit qu’il était : « Ses disciples lui disaient donc : ‘Qui es-tu ?’ Jésus leur dit : ‘Absolument ce que je vous dis’. » (Jean 8/25) – « Par les choses que je vous dis, ne savez-vous pas qui je suis ? » (Évangile selon Thomas, logion 43).[1]
Article paru dans Golias Hebdo, 9 juin 2016
[1] Pour approfondir, on peut lire mon ouvrage Les Mystères du Credo – Un christianisme pluriel, BoD, 2018 :
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