J’ai conclu mon dernier article sur la situation géopolitique actuelle, Complexité, par la phrase suivante : « Un enfant israélien et un enfant palestinien ont le même sourire. » Je me pose maintenant la question de savoir pourquoi un enfant, qui naturellement sent comme proches de lui tous les autres enfants, potentiels camarades de jeu, peut devenir plus tard un adulte xénophobe et criminel, comme il se voit dans le confit israélo-palestinien, de quelque côté qu’on le considère.
Il me semble que c’est l’ambiance qui environne sa croissance, et au premier chef l’éducation qu’il reçoit, qui sont responsables de cette tragique métamorphose.
L’éducation idéalement devrait développer l’esprit critique de l’enfant, empêcher qu’il s’identifie pleinement à ce qu’il pense et croit, et qui est toujours sujet à examen et à doute. Elle devrait développer en lui ce qu’on appelle la métacognition, c’est-à-dire une distance constante vis-à-vis de ses propres opinions, toujours révocables. Mais non, c’est le contraire qui se produit. On veut mouler l’enfant, le façonner en lui inculquant une grille indispensable de pensée. En l’occurrence, ce seront la Bible et le Talmud pour l’un, le Coran pour l’autre. Ainsi la même terre sera dite promise par Dieu au premier, propriété du premier occupant au second.
L’enfant spontanément ne sait pas tout cela. Ce sont les adultes qui le lui inculquent comme pensée obligée. Ils violent en quelque sorte son esprit initialement sans tache par des diktats souvent violents et vengeurs qu’eux-mêmes ont reçus et intégrés de leurs propres parents, et ce à l’infini. Rien de naturel à cela. Tout est appris. Et ensuite à l’éducation parentale s’associe le modèle idéologique transmis par la société des adultes. À l’arrivée, on voit des enfants qui les imitent, armés et prêts à combattre (les « petits lionceaux du Khalifat », pour Daech).
Ce n’est donc pas pour rien que le Jésus évangélique dit qu’il faut devenir un enfant pour entrer dans le Royaume. C’est-à-dire se dépouiller de toute la carapace éducationnelle, aliénante et aveuglante quand elle n’est pas soumise à la raison. Seul l’enfant, surtout quand il ne subit pas l’entrainement possiblement mortifère d’un groupe, peut réaliser pleinement le modèle humain idéal : accueillant l’autre avec tolérance et empathie. De ce point de vue, on peut dire qu’il est plus homme que l’homme. Malheureusement il ne tient pas ce qu’il promet.
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