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n vante sa pureté, et on l’oppose aux fantaisies plus ou moins exotiques que nous voyons aujourd’hui dans le polythéisme.
Voyez par exemple avec quelle familiarité impertinente Offenbach traite les frasques des dieux de l’Olympe. Ils apparaissent si proches de nous que nous ne pouvons évidemment qu’en rire.
Pourtant le polythéisme a fait beaucoup moins de mal dans l’histoire des hommes que le monothéisme.
En effet, quand la puissance suprême est divisée entre plusieurs dieux, qui souvent se disputent entre eux, l’homme en devient plus indécis, plus prudent, plus relativiste. Par exemple le partage des dieux en deux camps dans l’Iliade, ceux qui soutiennent les Grecs et ceux qui soutiennent les Troyens, mène à penser aussi à un général partage des valeurs, une ambiguïté axiologique fondamentale, à l’opposé total du manichéisme. Par voie de conséquence l’homme est moins porté à imposer aux autres une volonté qui émanerait d’un dieu unique dont il s’imaginerait le détenteur et très souvent le bras armé.
Certes il y a eu des guerres dans le monde antique, par exemple celle qui opposa Sparte à Athènes. Mais le motif n’en était pas du tout religieux. À l’inverse, le monothéisme a très souvent été instrumentalisé et transposé dans le domaine politique, d’où des guerres dites « saintes », où chacun, sûr de son bon droit et d’être l’agent de la volonté d’un Dieu unique, a étripé un adversaire senti comme un ennemi de ce point de vue. Croisades et Djihad belliqueux obéissent au même schéma.
Et à l’intérieur même de chaque religion monothéiste se sont produits des conflits sanglants : catholiques contre protestants en christianisme, chiites contre sunnites en islam, etc. Dans le monde antique au contraire la notion d’hérésie n’existait pas. Quand un nouveau dieu apparaissait, les Romains s’empressaient, non de l’attaquer, mais de l’intégrer dans leur panthéon, fidèles en cela à la belle devise de Symmaque :
« Uno itinere non potest perveniri ad tam grande secretum
– On ne peut parvenir à un si grand mystère par une seule voie. »
Je conseille à mes lecteurs de lire là-dessus les ouvrages de Jacques Soler, comme Le Sourire d’Homère (2014), et Dieu et moi (2017). Voir en particulier l’interview qu’il a donnée au Point sur la supériorité, même aux yeux de l’athée qu’il est, du polythéisme par rapport au monothéisme (Lepoint.fr, 21/03/2017).
Article paru dans Golias Hebdo, 21 septembre 2017
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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