C’est une dimension essentielle à redécouvrir, malgré l’extraversion et l’activisme de nos contemporains, spécialement dans la conception que nous pouvons avoir de Dieu. C’est à quoi j’ai pensé en voyant sur Internet la reproduction d’une affiche apposée dans une rue de la ville de Genève. [lien]
L’affiche porte une seule inscription : « N’aie pas peur, car je suis avec toi. Signé : Dieu ». Mais le mot « avec » a été barré, par un passant sans doute, et remplacé par « en ». Cela fait évidemment une énorme différence. L’enjeu est la position de Dieu par rapport à nous : est-il avec nous, comme un être extérieur à nous, distinct de nous, avec lequel on peut entrer en contact et nouer dialogue, conclure alliance, ou bien au contraire est-il en nous, au fond de nous, où nous pouvons constater seulement sa présence ?
Personnellement j’opte pour la seconde possibilité, la première me paraissant dangereuse car potentiellement infantilisante, et aussi par certaines de ses conséquences. En effet si nous avons besoin dans certaines détresses d’une présence consolante à nos côtés (« Dieu avec nous ») n’est-ce pas au fond, même s’il est très compréhensible, un besoin de petit enfant cherchant le secours parental ? Et d’autre part ne devons-nous pas nous méfier de ces élans irréfléchis qui nous font nous abriter derrière le slogan « Dieu avec nous », quand nous voulons écraser les autres ? On connaît les étendards des Guerres saintes, et aussi le Gott mit uns (Dieu avec nous) des nazis, de sinistre mémoire.
Il vaut mieux je crois dire que Dieu est en nous, comme d’ailleurs son Royaume (Luc 17/21). Nous sommes en effet le lieu d’un combat intérieur, (comme le djihad pour certains théologiens libéraux musulmans), entre les forces de vie et les forces de mort. Les premières viennent-elles à triompher, nous les appelons divines. Et comme leur triomphe qui se produit en nous n’est pas toujours volontaire et prévisible, ce qui vient de nous, pour nous est plus que nous. Dieu est alors une façon de dire qu’il y a une limite constitutive à notre savoir. Ce n’est pas un être ou une personne, pas plus qu’un principe abstrait. C’est l’aveu que nous ne savons et ne saurons jamais tout. Quant à sa présence en nous, elle se constate, ne s’analyse pas. On peut dire que Dieu est en nous (« enthousiasme ») à certains moments d’élan particuliers, non prévisibles. Rien de plus. Mais aussi rien de plus essentiel.
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