Le complot visant à exclure les étrangers, ourdi en secret par une fraction du parti d’extrême droite allemand AFD, a suscité une grande protestation dans ce pays. Évidemment on ne peut que s’en féliciter. Cependant la question n’est pas définitivement tranchée – et ce, même si on voudrait le croire.
D’abord la montée de ce type de parti, dans ce pays et d’autres en Europe, est préoccupante. Elle s’alimente du discrédit des partis traditionnels, qui engendre le désir d’essayer autre chose, comme si ailleurs l’herbe était toujours plus verte. Mais surtout de l’amnésie dans laquelle vivent aujourd’hui les citoyens, préoccupés seulement de leurs intérêts à courte vue. On a oublié à quelles catastrophes ont conduit ces partis totalitaires. L’Histoire peut se répéter. Comme disait Santayana : « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre. »
Ensuite, défilés et protestations ne suffisent pas pour se prémunir de tels retours. Ils ne dispensent pas de s’auto-examiner. Il est facile de pétitionner, de se poser en humaniste. Mais est-on soi-même irréprochable ? Fascisme, nazisme, xénophobie, racisme, pulsions agressives tout cela est en nous-mêmes, même si nous ne voulons pas le voir. Qui ne s’est comporté un jour en petit tyran domestique vis-à-vis de sa femme, ou de ses enfants ? Ou, à défaut, de son chien ? Combien d’hommes publics sont démentis par leur vie privée !
À la base du nazisme, comme du fascisme, il y a une répression millénaire des instincts normaux et naturels, qui débouche sur une explosion de masse de type orgastique, comme Reich l’a montré dans sa Psychologie de masse du fascisme. Voyez aussi sur cette répression et ses conséquences possibles le film de Michael Haneke Le Ruban blanc (2009).
Il y a là aussi un désir de mort. Voyez le cri de ralliement franquiste en Espagne : Viva la muerte ! Si on pensait que ce cri sinistre a disparu aujourd’hui, on aurait tort. Il résonne en quiconque désespère radicalement de la vie et de l’intelligence. Et il peut retentir à nouveau.
Tel est l’enjeu. Nous sommes le lieu d’un combat entre les forces de vie et les forces de mort : c’est notre djihad à nous. À nous de faire que les premières l’emportent sur les secondes. Comme il est dit dans le Deutéronome : « J’ai mis devant toi la vie et la mort, choisis la vie afin que tu vives. » (30/19) Mais le combat se fait chaque jour, et à l’intérieur de nous-mêmes.
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Voir aussi, sur la présence en chacun des pulsions fascisantes :
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