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e me suis appliqué à regarder sur Arte, par acquit de conscience puisqu’on annonçait une œuvre sur « la croyance », la série italienne Il miracolo.
Pour ce faire j’ai eu beaucoup de mérite, puisque dans tout ce que j’ai vu le grand-guignolesque le disputait constamment au grotesque, l’abracadabrant de l’ensemble ne se démentant jamais.
Pour le fond, la vision du christianisme qui a été ici proposée est fondamentalement archaïque. Elle tourne autour du sang versé à vertu salutaire et rédemptrice. Le fameux « miracle » est celui d’une statue de la Vierge pleurant du sang. On imagine alors que les drames affectant les différents personnages de ce téléfilm à prétention chorale pourront tôt ou tard être rachetés par la vertu expiatoire et quasi baptismale de ce fameux sang. C’est un thème certes émotionnellement fort, mais qui récuse toute raison.
Je sais bien qu’il est à la base de la construction chrétienne traditionnelle et sans doute encore malheureusement majoritaire, que nous devons à Paul. Il a interprété à sa façon le chapitre 53 du livre d’Isaïe, le fameux passage du « Serviteur souffrant », en y voyant l’allégorie du Messie sacrifié pour le salut des hommes : dans la Bible juive d’ailleurs ce passage n’est qu’une allégorie des épreuves subies par Israël. Et il a combiné cette lecture avec l’influence des cultes à mystères païens où un dieu meurt et ressuscite pour le bonheur de ses fidèles. Pour un juif et un musulman, d’ailleurs, le christianisme ainsi conçu est un paganisme.
Il me semble que l’essentiel pourtant devrait être, non pas la Croix salvatrice (à laquelle se rattache encore quiconque se signe, ou « touche du bois », ou « croise les doigts » pour se porter chance), mais l’enseignement du Maître. De ce dernier Paul ne fait quasiment pas mention, et ce n’est pas étonnant, car ce n’est pas ce qui l’intéresse : il n’a égard qu’à sa propre construction. De la même façon le Credo, qu’il s’agisse du Symbole des Apôtres ou du Symbole de Nicée, ne parle en aucun de ses articles de ce qu’a pu être l’enseignement de Jésus. En cela il ne fait que développer l’édifice paulinien.[1]
Je pense donc qu’un christianisme mature, à la différence du téléfilm susdit, devrait s’intéresser à l’écoute d’une Parole, plutôt qu’à une construction mythologique, fût-elle salvifique. Bref, à un Christ enseignant qui nous sauve, plutôt qu’à un Christ qui nous sauve en saignant.
Article paru dans Golias Hebdo, 7 février 2019
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