Je viens de lire chez Machiavel une excellente maxime, très profonde dans son laconisme : « Gouverner, c’est faire croire ». Rien que cela, mais c’est essentiel. À cette fin, il faut par exemple créer des récits, fabriquer du story telling ou comme on dit maintenant du narratif, toutes fictions auxquelles le peuple doit accorder crédit, faisant ainsi confiance à celui qui les émet. L’important n’est pas la vérité de ces constructions, mais leur capacité à emporter l’adhésion, à être acceptables par les citoyens. Comme ces derniers sont aisément influençables et manipulables, il faut, pour les diriger et s’assurer de l’emprise qu’on désire avoir sur eux, posséder les canaux d’opinion, comme les media, les réseaux sociaux, etc. Le publicitaire Bernays l’avait bien vu, dès 1928, dans son ouvrage Propaganda – Comment manipuler l’opinion en démocratie – un livre dont le cynisme est égal à celui de Machiavel.
Le gouvernant apparaît donc comme un gourou, qui maraboute littéralement ses sujets. Il les hypnotise par une rhétorique flatteuse, des éléments de langage qui correspondent à ce qu’ils attendent et sont disposés à recevoir : on prend les hommes comme les lapins, par les oreilles.
Maintenant, quand la séduction ne suffit pas, une autre possibilité s’offre aux dirigeants : l’arme de la peur qu’ils peuvent inspirer. Là encore Machiavel a tout dit : « Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes. »
La peur très souvent n’est pas rationnellement motivée et objectivement justifiable. C’est une projection que l’on fait, par exemple, sur celui dont on pense qu’il mérite de la susciter. À partir de là, on peut étendre un pouvoir sans limite sur toute une collectivité prisonnière de sa peur. Par exemple, dans Knock de Jules Romains, le médecin éponyme, charlatan manipulateur, asservit tout un canton en s’appuyant sur l’hypochondrie naturelle des gens, leur peur d’être malades. Une fois instillée dans leur âme, elle crée un état de sidération paralysante, les condamne à dépendre totalement de celui qui l’exploite, à se livrer entre ses mains. Ce phénomène est immémorial, et doit nous alerter, pour que nous en tirions leçon. En fait, très souvent dans nos vies, ce dont il faudrait avoir peur, c’est de la peur elle-même.
Crédulité et peur se voient aujourd’hui réunies dans ce qui se passe aux États-Unis d’Amérique.
commenter cet article …