Il ne se passe pas de jours sans que je m’étonne, dans toutes les réflexions que j’entends autour de moi à tous propos et sujets, et dans les conférences que je donne, de cette immémoriale, accablante et définitive haine du savoir (odium scientiae), que les gens opposent avec hostilité, huîtres qui se referment, à quiconque pourrait les instruire en quelque façon. Pour beaucoup, ce mot d’intellectuel est devenu péjoratif : c’est trop « élevé » pour moi, pensent-ils, donc cela ne me concerne pas.
Quelles sont les causes de ce phénomène ? Peur, jalousie, haine, ressentiment… je ne sais. Ou tout cela à la fois. Le fait est qu’on préfère toujours vivre entre soi, chérir sa propre médiocrité, et finalement être endormi par l’habitude, qu’éclairé par la connaissance.
On dit que dans certains collèges « sensibles » les bons élèves sont tabassés : « intello » est une insulte. Aux États-Unis paraît-il un profil trop « intello » est un handicap dans une élection : les gens préfèrent voter pour quelqu’un qui leur semble plus proche d’eux. L’exemple de Bush naguère était une caricature, pas une anomalie. Et chez nous les candidats aussi font assaut de « proximité » : ils prennent bien soin d’utiliser un langage simple, pour parler comme tout le monde. Cette tendance populiste est la plaie des démocraties. Il faut flatter l’invidia democratica, la haine démocratique : on tâche toujours de ne pas dépasser le niveau ordinaire, commun.
À propos du film démagogique Entre les murs, de Laurent Cantet, qui a obtenu une bien étrange palme d’or à Cannes en 2008, j’ai pointé dans mon billet Naturel (Golias Hebdo, n°289) l’affligeante prestation de ce professeur de français face à des élèves de quatrième dont l’ignorance, l’impertinence et la stupidité n’ont d’égale que la haine de tout ce qui ne leur ressemble pas. Libre ensuite à Télérama d’admirer la « santé » des élèves, qui selon lui compense leur inculture (sic), et l’énergie, « ce sur quoi le film s’appuie pour croire que rien n’est perdu » (01/05/13, p.105). En réalité, ni santé ni énergie ne compensent l’inculture. On peut être heureux de vivre, être bien dans ses baskets, comme on dit, et avoir 0 % de matière grise.
A écouter :
Naturel (version radio) - Le blog de michel.theron.over-blog.fr
º (Émissions de radio) Voici la version radio de mon article Naturel, dont le texte a fait la matière d'un billet que j'ai donné à Golias Hebdo, n°289, semaine du 23 au 29 mai 2013 (durée : ...
http://michel-theron.fr/article-naturel-version-radio-117955261.html
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