n sait qu’une simple expression, une phrase seule peuvent prendre différents sens suivant le contexte dans lequel elles figurent. Il y a à cet égard une phrase attribuée au cardinal de Richelieu : « Donnez-moi deux lignes de quelqu’un et je le ferai pendre. » Il y a donc danger à extraire une phrase de son contexte, et à ne la considérer que comme seule.
C’est le cas de la phrase très connue de la première lettre de Jean, dont se gargarisent beaucoup de chrétiens : « Dieu est amour. » Rien de plus beau assurément, de plus invitant ou engageant. Mais il est bon de lire le passage de 1 Jean 4/8-10 en entier, en notant bien les inflexions ou changements d’idée de verset en verset : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour (v.8). L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. (v.9) Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. (v.10) » On peut recevoir le v.8, et l’on peut même admettre l’inversion hérétique du « Dieu est amour » en « L’amour est Dieu » (en grec on ne peut pas le faire, car l’attribut n’y a pas d’article : Ho theos agapè estin – mais en latin on le peut : Deus est caritas peut se lire des deux façons). On peut recevoir aussi comme essentiel et décisif le v.9, en y comprenant que le message ou la parole de Jésus peut effectivement nous faire vivre. Mais est-on obligé d’admettre le v.10, qui contient la théologie, barbare pour beaucoup, de la victime expiatoire (hilasmos) ? Pour les sociniens, par exemple, si Dieu a été effectivement payé du sacrifice de son Fils, il n’a pas pardonné, car le pardon suppose qu’on efface une dette, non qu’on la recouvre.
De cette phrase décontextualisée viennent toutes les incantations triomphalistes, aveuglées et bondieusardes qu’on nous donne sur l’amour, et qui fleurissent encore chez les bien-pensants, et jusque sur les sites de « spiritualité » sur Internet. Que ne lit-on ce texte en entier ? Ou alors que n’en a-t-on fait le lifting, et fait disparaître la fin si contestable ? Mais il est plus confortable de s’étourdir de l’amour, plutôt que de réfléchir sur la singulière façon dont ici il est présenté.
Nota : Ce billet est paru initialement dans le n°155 du journal Golias Hebdo, sous le titre : Contexte.
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Pour écouter (sans rire) un exemple de ce que je dis dans le dernier paragraphe de mon article, cliquez sur le lien suivant :
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Le meilleur chemin - 1. Dieu est amour (Mieux Vivre)
Dieu est amour. Puis-je en être sûr ? Comment le voir, l'entendre, le sentir, le goûter ?
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