Le pape vient de recevoir le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Peut-être cette entrevue a-t-elle fait régresser la crise diplomatique causée par l’entretien qu’il a accordé en mars dernier à une chaîne de télévision suisse, où il a appelé l’Ukraine à « avoir le courage de hisser le drapeau blanc, pour négocier ». « Le plus fort, a-t-il précisé, est celui qui voit l’ensemble de la situation et qui pense à son peuple. » (source : la-croix.com, 11/10/2024)
On reconnaît là l’option résolument pacifiste d’un pape qui fait passer la sacralité de la vie avant tout. En cela il est fidèle à la ligne qu’il a toujours suivie en la matière. Mais dans la pratique cette règle me semble difficilement tenable. Que signifie en effet le drapeau blanc, sinon un aveu d’échec, une demande de clémence sans conditions, une capitulation ? Or qui a engagé le confit, sinon la Russie et son invasion d’un pays indépendant et souverain ? L’Ukraine n’a fait que se défendre. Capituler en pareil cas serait pour elle un reniement, un abandon de ce qu’elle défend au prix de bien des morts : la liberté, qui est pour elle symbole d’une dignité profonde. On comprend que cette perspective ait suscité chez elle une totale incompréhension.
Affirmer de grands principes, comme la paix inconditionnelle et le caractère sacré de toute vie, est peut-être certes beau en soi, mais condamne à passer à côté de toute situation réelle. Aussi les mots irréfléchis qu’on emploie pour le faire peuvent choquer à juste raison. À côté du « drapeau blanc », on peut citer la qualification des médecins avorteurs de « tueurs à gages », qui a valu dernièrement au pape, en Belgique, une légitime levée de boucliers. (Source : rtbf.be, 30/09/2024)
En vérité, sacraliser toute vie est s’aveugler à maintes circonstances concrètes, qui sont souvent d’une extrême complexité, et de toute façon manque de compassion pour ceux qui doivent les affronter. Pareillement pour le pacifisme inconditionnel. Le « tendez l’autre joue » de l’Évangile est impraticable, et doit rester un horizon, un idéal asymptotique, et non une règle concrète d’action. Le proverbe, hélas !, le dit bien : « Si tu veux la paix prépare la guerre. » Ou encore : « Parle doucement, mais avec un gros bâton ». Sinon, on ferme les yeux, et on accepte benoîtement l’immémorial massacre des faibles par les forts.
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